Rencontre avec Fien Troch: « Je voulais que le film parle le langage des adolescents »

Nous avons rencontré Fien Troch à l’occasion de la sortie dans les salles belges de son 4ème long métrage, Home, fascinante anatomie de l’adolescence, portée par des comédiens époustouflants saisis dans l’énergie et la complexité de leurs 17 ans par la réalisatrice.

 

 

 

 

Vous dressez un portrait très charnel de l’adolescence, et presque naturaliste

Je sentais que je voulais clôturer un chapitre dans ma façon de faire des films, et trouver une nouvelle énergie, moins rigide, plus adaptée aux adolescents eux-mêmes. On a confié des smartphones aux quatre jeunes acteurs, en leur donnant comme consigne de se filmer entre les prises. Les images que j’ai, c’est incroyable, je pourrais faire trois films! Je me rendais bien compte qu’à 38 ans, j’étais forcément en partie déconnectée du monde de l’adolescence, je voulais que le film parle leur langage, que ce soit leur film aussi. Il y avait juste quelques scènes que nous avions planifiées… Ils y ont trouvé beaucoup de liberté…

Je voulais créer cette liberté pour moi, pour les comédiens, pour tout le monde, pouvoir jouer et essayer, tenter des choses. Je suis très fan du documentariste Frederik Wiseman. On s’est beaucoup référés à une certaine esthétique du documentaire pour tenter de montrer les jeunes dans leur réalité, d’où notamment l’emploi du format 4/3. Ca rapproche des corps, des visages, et c’est aussi plus proche du format des images tournées au smartphone. Il y a clairement une volonté de réalisme, pas de maquillage, pas de lumière. Pour les décors, on a pris des maisons dans leur jus, on a juste enlevé les photos des propriétaires! La liberté était au coeur du projet, on prévoyait chaque jour 1 à 2 heure d’impro, j’écrivais des scènes le jour-même, on travaillait avec des adolescents peu expérimentés qui étaient surement plus à l’aise dans ce contexte.

 

C’est une génération surement plus narcissique que les générations précédentes, vous montrez une adolescence hypersexualisée, alcoolisée, droguée, et même passive, mais avec beaucoup de bienveillance…

Je me souviens de mes 14 ans, voir ma tête à l’écran, c’était une épreuve! Eux, depuis qu’ils sont nés, ont l’habitude de poser… C’était important pour moi aussi de les montrer quand ils s’ennuient, c’est quand même constitutif de l’adolescence! Je ne voulais surtout pas les juger, je voulais que mon affection pour eux soit apparente. C’est normal, quand on a 16 ans de s’ennuyer, de boire un peu trop, de fumer un joint. Ils ont le droit de ne pas savoir ce qu’ils veulent. C’est ça, être adolescent! C’était aussi un hommage à une période bel et bien révolue pour moi. Je voulais surtout ne pas avoir un discours réac et négatif sur ces adolescents. Avec toutes leurs tares, inhérentes à leur âge, ce sont de belles personnes, en plein devenir.

 

Fien-Troch-et-ses-acteurs-©FilipVanRoe-Mostra-2016-Orizzonti

Photo: Filip Van Roe

 

Il y a un fossé entre les adolescents et leur mère surtout…

Comme dans mes films précédents, les pères ont un rapport plus franc avec leurs enfants, et aussi plus neutre. Je vous rassure, ma mère est incroyable, cela n’a rien à voir avec ma relation avec ma mère. Cela a plus à voir avec moi finalement, l’envie de montrer que quand on est parent, on doit toujours avoir l’air d’être responsable et de maîtriser la situation, et surtout, cacher qu’on ne sait pas où l’on en est et comment on doit ou devrait réagir. Au fond Sonia, la maman de Sammy, a plein de bonnes intentions envers Kevin qu’elle accueille, mais quand elle est confrontée à un choix qui concerne son propre enfant, elle n’hésite pas une seconde à protéger la chair de sa chair. Je tenais à montrer cette zone grise, les adolescents ne sont pas des anges, et les adultes sont loin d’être en pleine possession de leurs moyens. Parce qu’au final, la plupart des parents pense faire ce qu’il y a de mieux pour leur enfant.

 

HomeFienTroch

 

La musique est surprenante, ce n’est pas celle qu’écoutent les adolescents, et pourtant elle a leur énergie…

C’est la première fois que je commence le tournage sans avoir déjà la musique. J’avais déjà pensé à Johnny Jewel pour Kid, car j’aimais bien ce qu’il avait fait pour Drive. Puis mon compagnon, Nico Leunen, a monté le film de Ryan Gosling, Lost River, et donc a rencontré Johnny Jewel. J’avais une idée très arrêtée sur ce que je voulais, et surtout, sur ce que je ne voulais pas, je ne voulais pas de soundscape, de musique d’atmosphère, je voulais des tubes, des chansons. De la musique chantée, qui suscite une émotion très directe, qui ait l’énergie de la musique qu’écoutent les jeunes, même si ce n’est pas forcément celle qu’ils écoutent. Ca devait être une musique sexy, qui donne envie d’être jeune. Nico a montré une version de 4h sans sous-titres à Johnny, qui a dit oui tout de suite. Il nous a donné 300 chansons! On lui a proposé un premier montage avec une sélection, et à partir de là, il a ajusté et adapté certaines chansons, et même créé quelques chansons en plus.

 

HomeFienTroch2

 

Quels sont vos projets après la sortie de Home?

C’est un peu difficile de laisser ce film derrière moi, mais j’ai reçu une aide à l’écriture, je me mets au travail, très lentement. J’aimerais développer quelque chose d’encore complètement différent. Je voudrais faire une comédie, même si on ne m’attend pas là!

Check Also

Sur le tournage de… « Têtes brûlées »

Retour sur le tournage de Têtes brûlées, premier long métrage de la jeune cinéaste bruxelloise …