Luc Jabon, le Survivant

 

Après 18 ans de détention, Nicolas Roulet, ex-militant révolutionnaire, sort enfin de prison.  Il pense avoir rompu avec ce passé, cherche un travail, veut fonder une famille, devenir un homme ordinaire.

Mais ce n’est pas simple : la Sûreté de l’État le surveille, peu convaincue qu’il a vraiment changé.

Est-ce d’ailleurs le cas? C’est inscrit dans ses gènes: Nicolas ne peut pas rester insensible face aux inégalités.
Alors certes, le monde à l’extérieur a évolué, mais les injustices persistent : comment Nicolas pourrait-il ne pas entendre les interrogations du groupe de jeunes révoltés qu’il rencontre…

Et puis il y a la belle Nadia, qui croise sa route et le bouleverse de fond en comble

 [toutes les photos PP/Cinevox]

 

Révolte violente qui a mal tourné, résistance à l’oppression globale, idéaux brisés, passé et présent qui s’entrechoquent; rédemption? Amour… Le pitch des Survivants est alléchant.

Son auteur vient tout juste de se lancer dans sa mise en images. Il s’agira pour lui d’un premier long métrage de fiction.

 

Cet homme c’est … Luc Jabon, coprésident de l’Académie André Delvaux et scénariste reconnudepuis longtemps : Luc a notamment cosigné les scénarios du Maître de musique de Gérard Corbiau, de Marie de Marian Handwerker ou de La Chanteuse de Tango de Diego Martinez Vignatti.

Il a également tourné plusieurs documentaires, comme De clou à clou, Le Diable dans la philosophie, Trio Bravo, ainsi que La Vie d’un Lecteur au temps de la fin du livre. Sans oublier ce film plus récent pour lequel il était nominé aux derniers Magritte: L’âge de raison, le cinéma des frères Dardenne, qu’il a réalisé avec son ami Alain Marcoen qui œuvrera comme chef opérateur sur Les Survivants.

 

 

Avant d’aller plus loin, il convient de régler immédiatement un possible malentendu: non, la position du réalisateur au sein du paysage cinématographique belge ne lui a pas servi de passe-droit pour réussir à financer ce film. Nous avons suivi son projet : le cheminement fut aussi long pour lui que pour n’importe quel aspirant réalisateur et malgré un scénario passionnant le film a failli, à plusieurs reprises, ne pas pouvoir se monter.

Heureusement, tel un Zorro cinéphile, Iris Film a débarqué sur le projet, l’épée au poing. Avec la combinaison de ses filiales belge et luxembourgeoise, Iris a pris la production en main pour la conduire à bon port ce qui explique que le film sera essentiellement tourné au Luxembourg, à Esch-sur-Alzette.
C’est une des conditions sine qua non du financement luxembourgeois qui a permis à ce premier long d’exister.

 

« Le point de départ », se souvient Luc, « ce sont des événements qui m’ont ébranlé tout jeune dans les années 70, 80. L’engagement, le militantisme posaient immanquablement la question de l’action, quel type d’actions envisager pour changer le monde, changer la vie? Rester pacifique, manifester en respectant les lois de la démocratie représentative ou passer à l’acte, à la violence révolutionnaire pour arriver à ses fins ?

Ce questionnement a traversé toutes les organisations. Les débats furent intenses. Mais dès que des armes sont apparues dans des réunions, pour un certain nombre d’entre nous, une limite fut franchie, la limite de trop et nous avons coupé les ponts.  »

 

 

De la part de cet homme calme, sinon timide, doux et érudit, ce préambule peut surprendre.
Mais c’était un autre temps et l’es individus un peu cultivés se focalisaient alors sur des valeurs moins futiles qu’aujourd’hui. Pas question pourtant de tomber dans le film nostalgique de flash-back : Les Survivants sera un film contemporain. Très contemporain. En phase avec son époque et même avec l’actualité.

 

 » La narration choisie dans les Survivants ne repose pas seulement sur l’imagination ou la mémoire d’événements vécus qu’une fiction se réapproprie. Elle est aussi le résultat de plusieurs immersions m’ayant permis d’approfondir mon propos », explique le scénariste-réalisateur

 » Il y a eu une Immersion dans cet univers des jeunes contestataires d’aujourd’hui. Une enquête dans plusieurs communautés engagées autour des sans-papiers et des squats a élargi ma compréhension d’un univers que l’opinion publique méconnaît. Une méconnaissance qui provient de cette farouche autonomie dont ces jeunes se prévalent. Une autonomie qui les conduit à s’affranchir des conditions de vie dans lesquelles nous sommes tous, inconsciemment ou non, plongés (consommation, marchandisation, culte de l’argent etc.). Ils ne veulent pourtant devenir ni des criminels, ni des terroristes (comme on l’entend aujourd’hui depuis les événements du 11 septembre 2001).

S’ils passent à la violence, c’est ponctuellement. Elle n’est jamais dirigée contre des personnes, mais plutôt contre des symboles (banques, lieux de prestige, etc.). Et si cette question du passage à l’action violente se pose à eux, comme à nous dans le passé, c’est face aux désillusions d’un système où l’hypocrisie du Marché règne en maître. »

 

 » Un des grands changements, pourtant, c’est que nous sommes dans une époque de surveillance accrue. Rien n’échappe aux caméras, à la détection numérique ou électronique.

Et là, je me suis intéressé à ces policiers analystes qui échafaudent de véritables « scénarios » pour prévenir et anticiper des attentats possibles. Ils ne sont pas directement sur le terrain. Ils travaillent dans des bureaux à partir de toutes les informations qui leur sont fournies. Ils sont sans cesse confrontés au scepticisme, aux restrictions, aux multiples interprétations possibles de leur analyse.  Il y a quelque chose de profondément ironique dans cette attitude de vouloir anticiper des événements qui, par nature, dans la réalité, très souvent, nous échappent par leur soudaineté, leur apparition brutale. »

 

Car sur chaque pièce, il y a deux côtés : pile, la contestation; face le maintien de l’ordre. Et Luc Jabon a bien l’intention de scruter les deux aspects du problème de très près.

 

 

Les Survivants sera également une affaire d’hommes… et de femmes.

Séduits par le projet, quelques-uns de nos meilleurs acteurs ont accepté de rejoindre cette aventure : Fabrizio Rongione incarnera Nicolas tandis que Nadia sera campée par une Erika Sainte, décidément omniprésente depuis quelques mois. Personne ici ne s’en plaindra.

 

Aux côtés de ce couple très tendance, on retrouvera d’autres excellents comédiens, surtout connus des spectateurs de théâtre: Christian Crahay, Kris Cuppens, Stéphanie Van Vijve ou Benoît Verhaert, mais aussi Sophie Maréchal, Laure Voglaire, Thomas Mustin, Arthur Marbaix, Antoine Plaisant… Du solide !
Quelques acteurs luxembourgeois viendront naturellement compléter le casting.

 

 

Le tournage a débuté le 16 février et ne durera que 24 jours. C’est peu.

Le rythme sera donc soutenu. Cette urgence ne nous empêchera pas de passer rendre visite à l’équipe le 10 mars. Impatience !

Car si la mise en scène est à la hauteur de l’écriture, on devrait découvrir l’an prochain un film fort, tendu. Et passionnant.

 

Le « Haut les cœurs ! » clamé par Fabrizio dans Deux jours une nuit résonne déjà comme un mot d’ordre approprié pour sa nouvelle aventure.

 

 

 

 

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