Galloping Mind : un premier film sauvage !

Les premiers films sont souvent des expériences passionnantes. Des deux côtés de l’écran.

Pour le spectateur, ils se révèlent, la plupart du temps, bouillonnants, intenses, palpitants. Pas toujours évidemment, mais souvent.

Pouvait-il en être autrement pour Galloping Mind?

 

 

Ce premier long métrage de fiction était d’autant plus attendu qu’il a mis dix longues années à se concrétiser et n’a vu le jour que grâce à la volonté indéfectible de deux hommes: le réalisateur Wim Vandekeybus (lire son portrait dès mercredi sur Cinevox) et le producteur Bart Van Langendonck, fan inconditionnel de l’artiste connu dans le monde de la danse et de l’art contemporain.

Il y a dix ans, Bart a carrément monté sa société de production dans le but de permettre à ce film de devenir réalité. Vous avez bien lu : si Savage existe aujourd’hui et qu’il est même un player essentiel du cinéma flamand, c’est en bonne partie grâce à Galloping Mind.

Quand on précisera pour les distraits qu’entre-temps, Bart a produit un certain Rundskop/Tête de bœuf, vous comprendrez mieux l’importance de cette décision capitale.

 

 

Essayez de vous rappeler ce que vous faisiez et qui vous étiez en 2005. Difficile n’est-ce pas? Hé oui: dix ans, c’est long. Très très long.

Plusieurs fois, au cours de cette période, le projet a failli capoter définitivement. À l’origine, l’équipe devait travailler en Amérique du Sud, mais les tentatives de s’installer au Chili, puis au Brésil ont échoué pour des raisons logistiques et économiques. En Afrique du Sud, ce sont les crocodiles qui infestaient les cours d’eau qui rendirent le tournage impossible. Pourquoi ces pays?
Au-delà de son histoire, le réalisateur a toujours placé deux choses en tête de ses revendications: la présence de l’océan et une rivière. Pour le reste, son Galloping mind est à ranger dans le registre de la fable et les lieux ne sont pas clairement définis ni importants : l’intrigue pouvait donc être assez facilement adaptée aux contingences géographiques.

 

 

C’est finalement en … Hongrie que Galloping mind a été tourné avec le soutien enthousiaste d’un producteur local, de techniciens hongrois (dont le chef opérateur Gábor Szabó qui a travaillé avec des pointures telless que Imre Gyöngyössy, Barna Kabay ou le réalisateur oscarisé István Szabo) et d’une brochette d’acteurs dont les plus jeunes du casting.

Très présent dans le scénario, mais introuvable dans un pays enclavé entre l’Autriche, la Slovaquie, l’Ukraine, la Roumanie, la Serbie, la Croatie et la Slovénie (oui, oui, sept frontières quand même), l’océan a  été déniché en Roumanie. Et tout cela est très cohérent à l’écran.

 

 

Une fois le soutien hongrois confirmé, tout s’est finalement enchaîné avec harmonie pour le duo qui a imaginé un couple de cinéma sauvage et original composé de la Flamande Natali Broods et du globe-trotter Jerry Killick avec qui le réalisateur avait déjà collaboré sur le spectacle Monkey Sandwich. Point commun de ces deux comédiens: une présence troublante qui rappelle assez souvent un autre couple mythique du 7e art flamand, celui de The Broken Circle Breakdown. Cette animalité instinctive, totalement imprévisible, est d’ailleurs une des caractéristiques essentielles, hypnotiques, du film.

 

 

Si on veut préserver le plaisir de la découverte, le pitch est assez difficile à résumer précisément. Disons qu’il s’agit d’une histoire d’amour entre deux écorchés qui ont une vision assez différente du couple: Sam espère s’éclater toute sa vie avec son amoureuse tandis que Sarah a un instinct maternel très développé.

Lorsqu’elle va être amenée à aider une patiente à accoucher de jumeaux dans l’hôpital où elle travaille, Sarah va faire basculer la vie de nombreux protagonistes: sans réfléchir vraiment aux conséquences de son acte, elle s’empare d’un des enfants, laissant l’autre à sa mère. Galloping Mind devient alors l’histoire de ces jumeaux qui vont se perdre et se retrouver dans le contexte très particulier, une ville sauvage où tous les éléments familiers ont été gommés.

Comme The Broken Circle Breakdown, Galloping Mind joue sans vergogne la carte du mélo. Les sentiments sont ici exacerbés, bouillonnants et nous emportent au-delà de toute analyse intellectuelle.

 

 

À l’issue de la Première mondiale qui s’est déroulée mardi 1er septembre dans la salle Henry Leboeuf de Bozar (remplie pour l’occasion), Natali Broods, habituée à plus d’orthodoxie, a expliqué que le début du tournage l’avait surprise et effrayée, ,car tout était « très rock’n’roll », mais qu’elle avait vite compris que Wim Vandekeybus travaillait au feeling. Et qu’elle s’était laissée porter.

 

C’est exactement ainsi qu’il faut appréhender le film: en s’abandonnant à la puissance des sentiments et des images, à l’énergie dégagée par les acteurs et par une bande originale magnifique misant sur les guitares… animales.

 

 

Il ne s’agit pas de prétendre que Galloping mind est un film parfait, ce n’est pas le propos. Au cœur de ce grand maelstrom aux allures de puzzle complexe (la construction alambiquée du film est une autre source de fascination), il manque peut-être un peu d’émotions directes qui toucheraient autant le spectateur que les personnages. Ce n’est pas non plus un film académique qui séduira les amateurs de classicisme sage. Non, pas du tout.

Non, tout en s’appuyant sur une histoire solide (longue et surprenante) Galloping Mind est avant tout une expérience sensorielle qui gagne évidemment à être vécue en salle où on peut s’abandonner au spectacle total imaginé par Wim Vandekeybus. On en ressort ébloui, dûment marqué, tout simplement heureux d’avoir été happé deux heures durant dans un univers aussi riche et personnel.

Et de laisser ensuite nos esprits galoper librement au gré des images qui nous reviennent en tourbillon…

 

[Bande annonce du film ICI]

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