La Ballade de Melody Personne.

« Les pères de famille sont les derniers aventuriers des temps modernes » écrivait Philippe Djian dans 37°, Le matin. La maternité peut également être un combat de longue haleine, une expérience pleine de pièges et de chausse-trappes.

 

Plus que tout, Emily désire un enfant. Mais la nature ne lui offre pas l’opportunité d’être enceinte. Heureusement, la médecine propose aujourd’hui d’efficaces alternatives. Ce qui ne signifie pas pour autant que tout est simple. Cette Anglaise un peu stricte a dépassé le cap de la quarantaine et son unique chance de succès est de trouver un ventre anonyme pour son futur enfant; ce qui n’est pas accepté dans tous les pays. Du coup, la route qui mène au bonheur peut vite devenir un chemin de croix. Dans le cas d’Emily, la situation est tragiquement simple: il lui reste un seul embryon congelé et elle doit conclure un accord avec une jeune femme disposée à assurer la gestation de cet héritier qu’elle espère plus que tout.  Elle n’a pas droit à l’erreur.

Melody a 28 ans. Elle est indépendante, rebelle. Seule. Elle a grandi sans famille et voudrait se forger sa place dans le monde. Oh, pas grand-chose… Un petit salon de coiffure serait déjà son paradis. Mais elle n’a pas un euro de côté. Porter l’enfant d’une autre ne lui pose a priori pas de problèmes de conscience. Surtout si la somme qu’on lui offre en contrepartie lui permet d’avancer dans la vie. Pour réaliser son propre rêve, elle se sent prête à mentir et à tout supporter.

Même si tout semble les séparer les deux femmes vont donc se rencontrer. Mais pourront -elles  mener à bien cette aventure qui les unira à jamais?

 

Bizarrement le thème des mères porteuses (et, plus largement, celui de la procréation médicalement assistée) a été très peu traité au cinéma de manière réaliste. Il ouvre pourtant le champ à des développements riches et  à des confrontations humaines passionnantes. On attendait forcément qu’une femme s’y colle, mais c’est le Belge Bernard Bellefroid qui nous propose aujourd’hui ce scénario captivant qui deviendra bientôt son deuxième long métrage. Enfin !

 

 

Flash-back ! En 2009, Bernard Bellefroid séduit le public du festival de Namur avec la Régate. Dans ce premier exercice de longue haleine, le réalisateur révélait non pas un, mais deux comédiens d’exception : Joffrey Verbruggen et David Murgia, tous les deux en passe, dans son histoire, de devenir de jeunes vedettes de l’aviron (encore un axe original). Ce face à face sous tension se déroulait sous le regard de deux acteurs confirmés : Thierry Hancisse, père violent et possessif et Sergi Lopez, entraîneur bienveillant, mais exigeant, volontiers manipulateur, véritable père de substitution pour les deux adolescents. Car bien sûr, le vrai sujet du film, c’était ça : la paternité ! Un thème qui passionne Bernard Bellefroid.

 

 

Aujourd’hui papa de deux enfants, ce talentueux néo-Brabançon va enfin avoir la possibilité de donner une suite à son œuvre naissante et déjà enthousiasmante.  Enfin, il voit se profiler le bout d’un tunnel dont la traversée lui aura pris quatre ans. Quatre ans pour que son nouveau film trouve les financements nécessaires pour se tourner dans des conditions acceptables; quatre ans pendant lesquels il a peaufiné son scénario avec Carine Zimmerlin, affinant sa mécanique, multipliant ses nuances. Il s’agissait d’abord de se documenter un maximum sur le sujet de la procréation médicalement assistée, puis de définir ses personnages et de les transcender. Aujourd’hui, le scénario de Melody, régulièrement retravaillé, est une subtile construction émouvante qui concentre en une centaine de pages deux trajectoires de femmes passionnées, déchirées.

 

Lucie Debay dans le court Roadside Girls

 

Un des défis de ce projet était de dénicher les deux actrices capables de le porter, de nourrir ces superbes caractères et de toucher le spectateur sans minauderie ni faux semblants. Depuis longtemps, Bernard Bellefroid connaît le nom de la jeune comédienne belge qu’il voulait diriger: Lucie Debay a jusqu’ici beaucoup joué au théâtre. Elle interprétait aussi le premier rôle du long métrage d’Olivier Boonjing  Somewhere  Between  Here and Now (présenté au FIFF en 2009) et un des quatre rôles du court métrage A New Old Story d’Antoine Cuypers (Prix du meilleur court métrage de la Compétition nationale au FIFF 2012).

 

Lucie Debay dans le court métrage un duel (2010)

 

 

Si le profil de l’actrice qui devait lui faire face était assez précis (anglo-saxonne, la quarantaine, distinguée), le choix s’est avéré beaucoup plus complexe. Finalement, c’est l’Australienne Rachael Blake qui a décroché le rôle. Révélée au public européen à l’occasion du Festival de Cannes 2011 où Sleeping Beauty avait divisé la critique, elle a reçu le scénario par son agent et pris l’initiative d’enregistrer une scène pour l’envoyer à la production et persuader ainsi Patrick Quinet et Bernard Bellefroid qu’elle était bien la perle rare recherchée. Sa performance a fait mouche. Rachael Blake ne s’y est pas trompée: le rôle qui lui est ici offert est un personnage d’une rare intensité comme on en croise peu dans une carrière : subtil, intense, original et complexe. De quoi montrer au monde entier l’étendue de son talent… et offrir à Melody une audience qui va bien au-delà de ce que peut légitimement espérer un film d’auteur belge.

 

Rachael Blake au festival de Cannes

 

A nouveau produit par Artemis qui s’est démené pendant de très longs mois en Belgique et à l’étranger pour composer le budget du film, le tournage de Melody débutera cet hiver et conduira l’équipe au Luxembourg, en Grande-Bretagne, en Ukraine et en France. L’attente pour Bernard Bellefroid aura été longue, psychologiquement difficile à assumer, mais elle n’aura pas été vaine. Le réalisateur va pouvoir bientôt nous faire entendre à nouveau sa petite Melody si particulière.

Sortie prévue à la rentrée 2014, quelque part entre les Film Days et le FIFF namurois…

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