Berlinale, l’envers du décor

Le Festival International du Film de Berlin, ou Berlinale pour les intimes, s’achèvera ce week-end avec la révélation de ses différents palmarès. Premier évènement majeur de l’année cinéma internationale, la Berlinale donne le ton des grandes tendances du marché. Car la Berlinale n’est pas seulement un festival, elle est aussi – et peut-être surtout – un marché, où se vendent et s’achètent les films qui finiront sur nos grands et petits écrans.

 

Entendons-nous bien, la Berlinale fait la part belle aux cinéphiles, festivaliers internationaux et berlinois. Contrairement au Festival de Cannes par exemple, une exception en la matière d’ailleurs, ses projections sont ouvertes au grand public, qui se presse dans les salles, et va parfois jusqu’à camper toute une nuit pour obtenir le sacré graal qui lui permettra d’accéder aux projections les plus prisées. Si l’on est loin du folklore cannois et de ses célèbres marches, la Berlinale ne manque pour autant pas de stars internationales qui n’hésitent pas à faire le déplacement pour venir exposer leur nouveaux films au marché européen.

 

A cet égard, une sélection à Berlin permet aux films d’avoir une belle visibilité sur la scène internationale, et une reconnaissance par la presse professionnelle et les festivaliers est un gage précieux pour la diffusion du film. Cette année, deux longs métrages belges étaient projetés. Insyriated de Philippe Van Leeuw, un huis clos terrifiant dans un appartement assiégé au coeur de Damas, a été largement salué, par le public et par la presse.

Ce que met en scène avec une rare puissance « InSyriated », c’est l’absurdité de toute guerre… (La Libre Belgique)

Ce drame captivant, qui se déroule entièrement dans un appartement de Damas, donne tout son sens à l’actualité en créant une situation si surprenante pour un spectateur qui n’a jamais connu la guerre qu’il est impossible de ne pas être absorbé par celle-ci (Cineuropa)

 

 

De son côté, le cinéaste belge Sam Garbarski présentait Bye Bye Germany, un film en allemand qui traite d’un pan de l’histoire allemande peu connu, le sort des juifs qui ont choisi de rester en Allemagne au sortir de la deuxième guerre mondiale. Là aussi, l’accueil pour ce film conçu comme une comédie populaire, malgré son sujet dramatique, est prometteur.

Aborder dans un seul et même film les sujets délicats du sort des juifs en Allemagne après les camps de concentration, des enquêtes sur la collaboration parmi les déportés et des profiteurs de guerre (ou d’après-guerre) était en soi une gageure, mais le faire sur le ton de la comédie, et ce sans irrespect, avec, même, suffisamment de gravité là où elle était nécessaire, est un méritoire accomplissement (Cineuropa)

Le sujet est douloureux, mais dans les mains de Garbarski et de son co-scénariste, il se transforme en un conte doux-amer aux accents yiddish.  (Screen Daily)

 

Le premier est vendu sur le marché international par la société allemande Film Boutique. L’accueil a été très bon, et les ventes ont dépassé les espérances des vendeurs. Le film devrait bénéficier d’ici quelques mois de sorties sur différents territoires, dans de solides réseaux art & essai. Pour Bye Bye Germany, le vendeur allemand lui aussi, Match Factory, est également très satisfait, et la sortie allemande au mois d’avril devrait donner le ton.

 


 

 

Mais la Berlinale est également un lieu de rendez-vous pour tous les acteurs de l’audiovisuel belge, à tous les niveaux de développement des projets, et pour tout type de projets. « C’est un marché très dynamique, idéalement situé dans le calendrier, au début de l’année cinéma, il donne le ton pour les distributeurs, et couvre tout le spectre de la production audiovisuel », nous confiait Eric Franssen,  Directeur de Wallonie-Bruxelles Image, l’agence de promotion à l’exportation du cinéma belge francophone.  On retrouve ainsi à la Belrinale une section dédiée aux séries (dans laquelle on retrouve cette année Zone Blanche, une coproduction belge), une mise en avant des jeunes comédiens, via le programme Shooting Stars, auquel participaient l’année dernière par exemple Marta Canga Antonio, l’héroïne de Black, ou encore Kacey Mottet-Klein, le héros de Keeper. Le programme Berlinale Talents quant à lui accueille pas moins de 250 jeunes professionnels de l’audiovisuel pour lesquels de nombreux ateliers et rendez-vous sont prévus. 3 jeunes Belges étaient retenus cette année, dont le musicien Eloi Ragot, qui a notamment composé la bande-originale de La Trêve.

 

La Berlinale est également un lieu de rendez-vous crucial pour les producteurs en recherche de partenaires pour coproduire des projets en développement, et bien sûr pour les 18 acheteurs belges (distributeurs, vendeurs internationaux, chaîne de télévision) qui viennent littéralement faire leur marché. Ils peuvent bien entendu se positionner sur les films présentés en sélection à la Berlinale, mais également sur d’autres films, qu’ils soient déjà terminés, ou pas d’ailleurs.

 


 

Prenons deux exemple belges. Le film Chez Nous, de Lucas Belvaux, qui sort en France la semaine prochaine, et début mars en Belgique, a suscité un vif intérêt, tant son sujet (la montée en puissance d’un parti populiste d’extrême-droite en France, ses stratégies pour convaincre des électeurs encore réticents, et les raisons de ses derniers) fait écho un peu partout en Europe et même dans le monde. Le vendeur du film, Le Pacte, une société française, a pu à l’occasion du marché de Berlin prendre de nombreux contacts, et entamer des discussions qui se prolongeront après la sortie française, dont le succès sera déterminant pour la carrière à l’étranger du film.

 

« Laissez Bronzer les cadavres » de Cattet & Forzani

 

Les acheteurs ont également pu découvrir en hyper-exclusivité un teaser de 2m30 du très attendu Laissez bronzer les cadavres de Bruno Cattet et Hélène Forzani, dont les précédents films, L’Etrange Couleur des Larmes de ton Corps et Amer, des films de genre hyper codifiés, ont connu une très belle carrière internationale. Avec leur nouveau film, non seulement ils se tournent vers une narration moins fragmentée et donc plus lisible pour le grand public, mais en plus ils adaptent un auteur star de la Série Noire, Jean-Patrick Manchette. Les deux projections en début de festival destinées uniquement aux acheteurs ont fait salle comble, nous confiait la productrice du film, Eve Commenge (Anonymes Films).

 


 

Même des films déjà sortis chez nous peuvent encore connaître de belles carrières internationales, en salles bien sûr, mais aussi dans des festivals, ou à la télévision. Ainsi cette année, au détour des couloirs du Marché, on croisait des affiches de films sortis récemment ici comme King of the Belgians (vendu par le seul vendeur international belge répertorié côté francophone, Be For Films), Faut pas lui dire, Dode Hoek, ou Noces, qui sortira bientôt en France et en Belgique…

 

Photos: @Wallonie Bruxelles Images

 

 

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