Entretien avec Sam Garbarski: « Je me suis approprié l’histoire d’un autre pour me raconter ma propre histoire »

Rencontre avec Sam Garbarski, dont le 5e long métrage, Bye Bye Germany, que vous avez pu découvrir lors de notre dernier Cinevox Happening le 3 février dernier, sort demain dans les salles belges. 

 

Pourquoi cette histoire?

Le patron du festival de Berlin, Dieter Koslick, est venu à moi pour me parler d’un auteur allemand qui avait écrit un livre, et qui lui avait conseillé que j’en fasse un film! D’abord, j’étais terriblement flatté par cette approche. Puis quand j’ai reçu le livre, impossible de le poser ou d’interrompre ma lecture. Ca ne m’est pas arrivé souvent dans ma vie! C’était l’histoire d’un autre, mais ça aurait pu être la mienne. C’est rare de se retrouver à ce point dans l’histoire d’un autre. Je savais que je devais faire ce film.

L’auteur du livre est également scénariste, et on a commencé à travailler sur le scénario. On s’est rendu compte qu’il en fallait un peu plus, du coup on a emprunté une partie d’un autre de ses livres. Ca s’est fait de façon très organique, un vrai travail à quatre mains. C’est devenu par la force des choses mon histoire, même si à la base c’était l’histoire de son oncle.

 

Qu’est-ce qui vous rattache personnellement à cette histoire?

Moi je suis un enfant de l’après-guerre. Je suis né à Munich, mes parents avaient perdu toute leur famille dans les camps, mais avaient choisi de rester. Les survivants de la Shoah qui ont décidé de rester en Allemagne n’ont jamais pu expliquer, n’ont jamais dit pourquoi. Là, il y avait un sujet incroyable, jamais traité, un tabou. Un vrai manque avec lequel j’ai vécu jusqu’ici. Le film donne un début d’explication, sans forcément donner une réponse. Je me suis approprié l’histoire d’un autre pour me raconter la mienne. Comment mes parents ont réussi à rester en Allemagne malgré la tragédie? J’ai grandi avec ça, et là j’ai trouvé un moyen de combler ce manque.

 

bye_bye_germany

C’était une évidence de traiter ce sujet via le prisme de la comédie?

L’humour juif est plus philosophique que drôle. Ce n’est pas un humour où on se tape sur les cuisses. L’humour juif, c’est aussi un médicament pour survivre. Il y a beaucoup de situations que l’on ne peut supporter que parce qu’on y trouve une pointe d’humour et d’autodérision. C’est là où le ton s’imposait. Finalement ce n’était même pas un choix, c’était une évidence. Ce mariage entre l’horreur qu’il faut digérer, et ce besoin de se réinventer une vie. Si on n’en rit pas, c’est insupportable. J’aime beaucoup quand les faits dans leur dureté sont secoués par une émotion forte à laquelle on ne s’attend pas.

 

Vous vous amusez des personnages de VRP bonimenteurs, qui rappellent un peu le travail du cinéaste finalement?

Quand on fait un film, c’est pour raconter une histoire à quelqu’un. Je crois qu’on est tous des raconteurs d’histoires. On enjolive un peu la réalité pour la rendre supportable. C’est notre métier. Dans le film, David dit : « Si je ne me mentais pas un peu, la réalité serait insupportable ». La situation actuelle est tellement dramatique, l’histoire se répète sans cesse. Aujourd’hui, on voit encore à nos portes des réfugiés qui doivent repartir de zéro, recommencer leur vie, et je suis sûr que certains affrontent cette situation par l’autodérision. C’est un moyen de rendre les choses supportables.

 

Vos personnages sont comme le chien à trois pattes que l’on suit au début du film?

Ils sont tous quelque part des chiens à trois pattes, on leur a même coupé plus qu’une patte. Ils sont amputés de leurs parents, de leurs frères et soeurs, de leurs aimés. Je croise un petit chien comme ça à côté de chez moi, ça m’a vraiment évoqué ces destins, cette façon de faire face malgré l’infirmité.

 

Quels sont vos projets?

Je développe un projet actuellement avec Philippe Blasband, une comédie autour d’un jeune adolescent qui se retrouve dans des situations très délicates, une vraie comédie, qui marquera mon retour en Belgique. J’ai également un nouveau projet en Allemagne, une très très belle histoire. On verra bien lequel de ces deux projets aboutira le plus rapidement! On m’a également proposé un autre projet qui me plait beaucoup mais dont je ne peux pas parler. D’habitude c’est moi qui initie mes projets, mais là cela fait deux fois que l’on vient me trouver avec des histoires qui me parlent vraiment. C’est bien pour un angoissé comme moi d’avoir toujours plusieurs casseroles sur le feu!

 

Quel est votre dernier coup de coeur en matière de cinéma belge?

J’ai beaucoup aimé Le Tout nouveau testament. Jaco Van Dormael s’est attaqué avec audace et de façon magistrale à un sujet pourtant très délicat. Et j’adore aussi ses créations théâtrales, Kiss and Cry, Cold Blood, c’est d’une poésie et d’une beauté incroyables.

 

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