Hélicotronc, 15 ans d’éclectisme

Alors que le Brussels Short Film Festival célébrait sa 20ème édition, une société de production restée jeune dans sa tête fêtait (déjà!) ses 15 ans. Hélicotronc, fournisseur officiel de courts métrages pour les Magritte (Le Cri du Homard, L’Ours Noir, Le Plombier), s’est imposé depuis plusieurs années comme un acteur incontournable du domaine du court métrage, accumulant les sélections et les récompenses. Mais la société s’est aussi distinguée depuis peu en sortant plusieurs longs métrages (L’Année Prochaine, Un homme à la mer, bientôt Sonar), et en produisant La Trêve. Nous avons rencontré ses producteurs, Anthony Rey et Julie Esparbes.

 

Pouvez-vous tout d’abord vous présenter?

Anthony Rey

Je suis né en Tarbes, dans les Pyrénées, j’ai voyagé un peu partout en France, pour « finir » en Belgique, où j’ai terminé mes études secondaires. J’ai ensuite fait l’INRACI (aujourd’hui HELB), entre 96 et 99, puis j’ai enchaîné les tournages en tant qu’assistant régisseur, régisseur général, assistant de prod puis directeur de production. En 2002, j’ai créé Hélicotronc, pour produire des gens qui étaient avec moi à l’école, en l’occurrence Olivier Tollet et Jean-Julien Colette. Quand je suis rentré à l’INRACI, je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire, et l’avantage de cette école, c’est qu’on touchait à tout, machinerie, montage. C’est le côté organisationnel et logistique qui m’intéressait. Sur les travaux de fin d’études d’Olivier et Jean-Julien, je faisais de l’assistanat et la direction de prod.

Julie Esparbes

Je suis française aussi, cela fait dix ans que je suis en Belgique. J’ai fait Science Po à Lyon, puis j’ai fait un master en Gestion Culturelle à l’ULB. Deux semaines après l’avoir terminé, j’ai vu une petite annonce, « Recherche assistante de production pour la société Hélicotronc ». J’avais déjà croisé Anthony, alors j’ai tenté ma chance. C’était en 2008, et j’ai débuté comme assistante de production. Au bout de quelques années Anthony m’a proposé de devenir productrice pour les courts métrages, en parallèle de mon poste d’assistante de prod sur les longs – que j’ai depuis mis de côté. J’ai vu les films de fin d’étude, j’ai cherché des auteurs, et j’ai commencé à développer des projets. Aujourd’hui, je m’apprête à accompagner les réalisateurs que j’ai produits en court vers le long métrage.

 

Pouvez-vous revenir sur l’évolution d’Hélicotronc?

Anthony Rey

Quand on a débuté en 2002, on tournait un ou deux courts métrages par an. Evidemment, ce n’était pas du tout viable, du coup on produisait aussi des films d’entreprises, notamment avec Jean-Philippe Martin. Il y a eu quelques étapes importantes. L’un des premiers courts métrages que j’ai produit, Le Grand Vent de Valérie Lienardy a été sélectionné à la SIC (Semaine Internationale de la Critique à Cannes) en 2005. Ca nous a permis d’être identifiés en Belgique, notamment auprès des institutions, de renforcer notre crédibilité. La même année, on a produit notre premier long métrage, Ordinary Man de Vincent Lannoo. Faire un long métrage, même à petit budget comme c’était le cas, c’est une étape supplémentaire. Le film a pu sortir avec Lumière, à l’époque c’était plus facile de trouver un distributeur, on avait un vendeur international (Funny Balloons). Puis est arrivée ma première coproduction, un film russe, Le Bannissement de Andrey Zvyagintsev, qui avait eu un Ours d’or pour son premier film à Berlin, et on s’est retrouvé en sélection officielle à Cannes. Ces différentes étapes ont contribué à nous donner une envergure. 

 

Christine Grulois et Georges Siatidis, dans « Ordinary Man » de Vincent Lannoo

Julie Esparbes

Le Cri du Homard de Nicolas Guiot (César ET Magritte du Meilleur court métrage) a marqué une autre étape, qui nous a permis de mettre en place un système plus viable pour du court métrage, avec des coproductions internationales, des partenaires d’envergure comme Arte, même si ça reste de petites économies. On a en parallèle mis en place un système performant de diffusion de nos films, en les envoyant dans des festivals du monde entier. 

 

Nicolas Guiot reçoit le César du Meilleur Court métrage pour « Le Cri du Homard », accompagné d’Anthony Rey (à droite), et de son coproducteur français, Fabrice Préel Cleach

 

Pouvez-vous nous présenter vos auteurs?

Julie Esparbes

On a développé une fidélité assez forte avec eux. Certains réalisateurs présents en 2002 sont encore là en 2017!  De mon côté, je travaille actuellement sur le nouveau court métrage de Francois Biery (Solo Rex) en tournage cet été; Sandra Fiassot (Kanun) prépare son premier long métrage, toujours sur la mafia albanaise, elle a reçu une aide à l’écriture, et elle participe au Boost Camp; Emmanuelle Nicot écrit son nouveau court métrage. Plus récemment, j’ai travaillé avec Ann Sirot et Raphaël Balboni, dont on a produit Avec Thelma, qui a reçu le prix BE TV au BSFF, et on travaille ensemble sur un projet de long métrage. On prépare aussi le nouveau court métrage de Catherine Cosme, celui d’Isabelle Schapira, et le prochain documentaire de Simon Gillard (Boli Bana).

Anthony Rey

De mon côté, on s’apprête à sortir Sonar, le premier long métrage de Jean-Philippe Martin (dont j’ai produit le premier court, Lapin aux Cèpes). On est en train de boucler le tournage de No Fun, le nouveau film de Martin Doyen. On est en fin de financement du premier long de Serge Mirzabekiantz, dont j’avais produit les 2 premiers courts. On développe également le deuxième long métrage de Vania Leturcq, Juliette, avec une belle coproduction au Luxembourg, et pour lequel on a déjà un distributeur en France. On développe également un long métrage de Nicolas Guiot, et on tourne La Trêve 2 cet été! On développe aussi une autre série pour laquelle on a eu une aide à l’écriture avec Xavier Seron et Meryl Fortunat-Rossi. 

 

Tournage « No Fun »
(Photo: Cinergie)

 

La Trêve, c’est un peu le bébé de la famille Hélicotronc?

Julie Esparbes

On a avait produit Partouze, le court métrage du réalisateur de La Trêve, Matthieu Donck, et on avait très envie de retravailler avec lui. Nous avions produit le documentaire La Nuit qu’on suppose de Benjamin d’Aoust. Et c’est vrai que dans l’équipe technique, il y a beaucoup de gens avec lesquels on travaille souvent comme Olivier Boonjing à l’image, Catherine Cosme aux décors qui a dû faire la moitié de nos films avec qui on a une relation sur le long terme, beaucoup de comédiens qu’on voit souvent dans nos films aussi. La Trêve a donné une vision différente, très dynamique de notre société, plutôt assimilée à des petits projets cinéma d’auteur. C’est même une reconnaissance à l’international, avec une belle diffusion. On l’a fait dans le même esprit que les petits films d’auteur que l’on produit, mais c’est ça aussi qui fait que ça a fonctionné.

Anthony Rey

En Belgique, nos longs métrages sont plutôt vus par 5000 personnes. La télé, c’est tout de suite 300.000! La Trêve s’avère être un projet structurant pour nous. La première saison a permis de consolider notre situation financière, et de nous ramener à l’équilibre. La Trêve 2 pourra nous permettre de nous projeter et de créer une assise. Aujourd’hui, on s’interroge sur la façon de faire évoluer Hélicotronc, comment grandir sans perdre notre spécificité, notamment éviter d’avoir une pression salariale qui nous oblige à produire des choses que l’on n’a pas envie de produire.

 

 

Votre credo serait donc produire par envie et pas par nécessité? Quel est votre approche sur les projets?

Julie Esparbes

Ce n’est pas tant notre ligne éditoriale soit homogène, on produit des choses tellement différentes, entre les comédies de Xavier Seron et de Meryl Fortunat-Rossi, et des drames comme A l’arraché, ce sont aussi ces mondes différents qui nous plaisent. On tient à notre éclectisme, on veut faire des choses qui nous parlent dans différents univers et différents tons. Quand tu es producteur, ton métier change avec chaque film et chaque réalisateur, les gens n’ont pas les mêmes besoins, les mêmes attentes, les mêmes compétences. Ce qui est au centre, c’est l’accompagnement des auteurs et des réalisateurs, et les valeurs humaines que l’on a envie de mettre au centre de nos projets. En production, une grande partie de notre travail, c’est gérer de l’humain, et on veut que ça reste au coeur de nos préoccupations. 

Anthony Rey

L’envie à la base, c’était aussi de grandir avec les auteurs. C’est ce que j’ai fait avec Géraldine Doignon, Vania Leturcq, Serge Mirzabekiantz, Jean-Philippe Martin. Les premiers longs métrages que l’on a produits  ont mis longtemps à être financés, 6 à 7 ans, ce qui est très long pour des petits budgets à moins d’1 million. Aujourd’hui, on veut faire pour le long métrage ce qu’on a fait pour le court, mettre en place des partenariats pérennes qui nous permettre de lever plus de financements, et plus vite. 

Julie Esparbes

Oui, on veut suivre des auteurs aussi sur différents formats, avoir une vraie souplesse vis-a-vis des envies, faire exister les choses de manière naturelle selon les formats.

 

La question bonus: Pourquoi Hélicotronc?

Anthony Rey

Ca vient d’une association un peu fortuite, au hasard de digressions tardives. Jean-Julien Colette nous tannait car il voulait sans cesse faire des plans d’hélicoptère, ce qui était par essence hors budget à une époque où les drones n’existaient pas. Et à l’époque, le film de Karl Zéro, qui reste une vaste blague, Le Tronc, nous faisait beaucoup rire. Aujourd’hui, on retiendra surtout que ça sonne bien, Hélicotronc!

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