Marie Gillain
« Et les étoiles entre elles ne parlent que de toi »

C’est l’une de nos actrices fétiches. Trop rare, sans doute, mais d’autant plus précieuse.

Marie Gillain, née à Rocourt, vient tout juste de fêter son 36e anniversaire. Et les prochains mois seront tonitruants, n’en doutons pas. Le 9 novembre 2011, sortira sur les écrans, Toutes Nos Envies, librement adapté du roman d’Emmanuel Carrère, D’Autres Vies que la Mienne. Ce sera le septième long-métrage de Philippe Lioret, un des meilleurs réalisateurs français de la décennie. Carrément.

Face à Vincent Lindon, qui interprète un juge chevronné et accrocheur, personnage réel qui a inspiré Carrère et Lioret, Marie est Claire, une jeune magistrate; idéaliste elle aussi. Un retour en majuscule pour la jolie Liégeoise qui a alterné tout au long de sa carrière de grands films et des œuvres moins bien reçues par le public et la critique.

 

Fascinée dès son plus jeune âge par l’art, la petite Marie sera tour à tour majorette, danseuse, comédienne et funambule sur le fil qu’elle tend sans son jardin entre deux arbres. À 14 ans, après avoir participé au casting de L’Amant (elle ne sera pas retenue, car Jean-Jacques Annaud la trouve trop jeune), elle rejoint l’atelier d’expression théâtrale pour adolescents, « Le Vivier ». C’est le début d’une vie professionnelle qui va s’amorcer très vite : Françoise Menidrey, la directrice de casting qui s’occupait de L’Amant l’aiguille sur ce qui sera finalement son premier long métrage, déjà celui de la révélation.

 

À 16 ans, face à un tonitruant Depardieu, elle compose une ado libre et fascinante dans Mon Père, ce héros (photo d’ouverture). Formidable. C’est le grand démarrage. En 95, Bertrand Tavernier fait d’elle L’Appât qui lui permet de décrocher le prix Romy Schneider. Une année fantastique qui la verra aussi incarner sur scène une bouleversante Anne Frank.

Pendant les quinze années qui suivent, Marie ne quittera jamais vraiment les écrans, mais le succès n’est pas toujours au rendez-vous. La formidable actrice ne démérite pourtant pas. Son meilleur film? Sans doute Ni pour ni contre (bien au contraire), signé par Cédric Klapisch. Mais d’autres que nous citeront Le Dîner (Ettore Scola), Laissez-Passer (Tavernier encore), Marie de Marian Handwerker, ou Les Affinités Electives (les frères Taviani), voire Un air si Pur dans lequel elle rencontre Fabrice Luchini qu’elle croisera à plusieurs reprises sur les plateaux de cinéma.

Depuis toujours, Marie réussit l’exploit de combiner à la perfection vie privée et vie publique, prenant soin de ses deux enfants qu’elle couve jalousement. Cette vie, elle la préserve le plus intimement possible. Au point que le jour de son 30e anniversaire, elle est purement et simplement congédiée du plateau de Thierry Ardisson, car elle refuse avec un sourire poli de se livrer. L’anecdote, peu connue, est contée par Martin Rappeneau avec qui elle enregistra le single Figures imposées. On ne verra jamais sa prestation à l’antenne. Néanmoins disponible, Marie Gillain est aussi ambassadrice bénévole de Plan Belgique en faveur des enfants dans les pays en développement.

 

Ces dernières années, Marie est apparue dans Les Femmes de l’Ombre (photo), Coco avant Chanel et plus largement dans le très sympathique La très très Grande Entreprise de Pierre Jolivet qui n’est pas sans évoquer déjà les préoccupations sociales qu’elle rencontre dans le nouveau film de Philippe Lioret. Ce rôle, elle s’est battue comme une lionne pour le décrocher. Car quand Marie aspire à quelque chose, elle le revendique. Après les premiers essais, elle est revenue à la charge. Elle a écrit à la production, lui a expliqué en long et en large pourquoi elle savait que c’était le rôle de sa vie, pourquoi elle voulait être là à tout prix. Après le tournage, le moins qu’on puisse dire est que le réalisateur  ne le regrette pas, n’hésitant pas à dresser à Marie des éloges qui n’ont rien de consensuel: Philippe Lioret n’est pas du genre à être gentil, juste pour faire plaisir.

 

En décembre dernier, Marie Gillain a été élue « Actrice belge préférée des Belges » dans l’émission Les Belges font leur cinéma sur  La Une. Basé sur un vote en ligne, ce classement la vit devancer Cécile de France, Yolande Moreau et Emilie Dequenne, pourtant plus exposées médiatiquement. Une bien jolie performance pour celle qui reste malgré sa discrétion la fiancée des spectateurs. Ce qui tend à prouver une chose essentielle: le public (et le belge sans doute plus que les autres) n’est pas si versatile que certains veulent nous le faire croire. Lorsqu’il discerne le talent, mais aussi l’authenticité, la gentillesse et la simplicité, il garde une place dans son cœur pour ceux qui ont croisé sa route. Une fidélité qui ne risque pas d’être entamée par Toutes nos envies qui, nous le prédisons (copiez-collez ce pronostic dans vos souvenirs) sera un des deux ou trois grands films de 2012. Pas de danger : c’est le cas avec tous les longs métrages de Philippe Lioret.

Seul souci, il nous fait encore patienter plus de sept mois pour découvrir cette histoire forte. Et sept mois, parfois, c’est très long.

 

 

 

[Marie Gillain inspire les artistes, les photographes surtout, mais aussi les peintres. La toile qui illustre cet article a été réalisée par Pascal Le Brun, figure artistique belge de premier plan, talent protéiforme puisqu’à côté de ses toiles, fameuses, on lui doit par exemple l’affiche historique de C’est Arrivé Près de Chez Vous. Il a aussi travaillé sur les scénarios de la série Monsieur Manatane avec son copain Benoît Poelvoorde et sur celui des Portes de la Gloire. Artiste bien ancré dans son époque, Pascal est responsable de toute la communication visuelle du fonds économique wallon Wallimage et des Magritte du Cinéma]

 

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