Nous Quatre : clap, deuxième !

C’est un projet étonnant. Gonflé et enthousiasmant. Très inhabituel.

On a à l’esprit la démarche de Michael Haneke qui, à la demande de producteurs américains, retourna plan pour plan son terrifiant Funny Games avec des acteurs anglo-saxons. On se souvient également de George Sluizer qui filma aux États-Unis, avec Jeff Bridges, un remake de son long métrage Spoorloos qui devint The Vanishing. Et plus récemment, du Belge Erik Van Looy qui tourna, pour une diffusion internationale, un copié-collé de Loft, le plus grand succès du cinéma flamand, déjà reformaté entretemps pour les Pays-Bas en tenant compte des références socio-culturelles propres à nos voisins du nord.

 

À chaque fois, il s’agissait pour un réalisateur d’adapter un de ses films dans un contexte différent.

 

Ici, il est question de retravailler, de perfectionner, d’upgrader. Dans un environnement plus professionnel.

 

Cette année, on va donc braquer nos projecteurs sur l’aventure d’un jeune artiste belge qui devrait retourner entièrement son deuxième long métrage autoproduit dans l’espoir d’en faire une vraie rencontre avec un public le plus large possible.

 

Étonnant? C’est pourtant ce que s’apprête à faire Stéphane Hénocque un réal liégeois passionné qui a le cinéma chevillé au corps.

 

 

Vous le savez si vous avez suivi nos rétrospectives : Stéphane a tourné en 2013 un film qu’il avait lui-même écrit, Nous Quatre. Premier résultat patent: un smash sur Cinevox. La bande-annonce a été la plus regardée sur notre site l’an dernier (voir ICI) et l’affiche (superbe) fait partie du top 3 des photos du jour les plus vues en 2014.

 

Une réussite surprenante pour ce tournage façon guerilla avec des potes et des connaissances, mais aussi quelques visages familiers comme Renaud Rutten qui figurait déjà dans un premier long de Stéphane filmé dans des conditions encore plus improbables.

 

Stéphane Hénocque (crédit photo : Anthony Buddenbruck) n’a pourtant pas envie de tourner tout, voire n’importe quoi, sans le sou, pour étancher sa soif d’aventures.
C’est même tout l’inverse.

Il cultive une seule envie : celle de capter l’attention du public. Sa vision du cinéma est populaire. Dans le sens le plus noble et touchant du terme. Ses modèles à lui seraient Spielberg ou Chris Columbus, des réalisateurs qui ont senti l’âme du spectateur pour lui offrir des sensations qui l’émeuvent.

 

La démarche n’est pas si courante chez nous où beaucoup de réalisateurs tournent avant tout pour eux. Attention ! Il n’y a pas ici de jugement de valeur de notre part. Le cinéma est un art et expérimenter, même à l’attention d’une audience restreinte, est une ambition noble et excitante.
Mais le cinéma n’est pas que ça: il est aussi un vecteur de distraction et d’émotions pour le public. L’immense majorité des spectateurs cherche à se détendre et à vivre des aventures qui l’amusent et le chavirent. Ceux qui pensent autrement devraient aller faire un tour dans les salles un jour d’affluence.

 

Les triomphes de Marina et The Broken Circle Breakdown reposent essentiellement sur le fait que les films se situent exactement au croisement des envies d’un artiste doué avec de vraies ambitions et des attentes du public. Un équilibre très difficile à trouver. Mais si vous maîtrisez la recette, le succès peut être à l’arrivée.

 


Bref, pour revenir au cas particulier qui nous intéresse, Stéphane a tourné durant l’été 2013 un long métrage sans le sou et en a d’abord monté une bande-annonce qu’il nous a présentée lors du FIFF suivant. On y allait un peu curieux, mais sans plus. On en est ressorti plutôt bluffé.
En moins de deux minutes, ce trailer laisse augurer bien plus qu’une sympathique aventure un peu potache : il démontre la capacité d’un passionné à transcender l’absence de moyens (on évoque une mise initiale de… moins de 5000 euros) par une compréhension instinctive de sentiments universels et une faculté à les retranscrire en quelques phrases, regards et notes de musique. Par un vrai talent de réaliser de belles images aussi.
Facile? Bah, essayez pour voir…

Il y a du Bouli chez Stéphane. Mais aussi du Rob Reiner de Stand By Me, par exemple. Et on ne parle pas que de ressemblances physiques…

 

Une fois finalisée, la bande-annonce a été publiée sur Cinevox et, big choc pour nous, elle est devenue en quelques jours la hype de l’année. Confortable n°1 du site en termes de clics. Incroyable? Oui. Mais vrai…

 

 

Porté par ce succès inattendu qui lui donne la pêche (on l’aurait à moins), Stéphane monte et peaufine son film.
Sa vision en mode rough (avant le mix et l’étalonnage) est une jolie surprise : malgré de petits soucis techniques, une ou deux scènes qui manquent de justesse, on est sous le charme. L’histoire est touchante et les personnages attachants, on ne s’ennuie pas une seconde, le sens du rythme est là, les dialogues sont sympas et, cerise sur le gâteau, Renaud Rutten, dans un rôle totalement inhabituel pour lui, est saisissant. Le film de Stéphane est pudique, mais il est aussi émouvant et profond.

Tout va alors s’enchaîner… mais pas dans la direction attendue. La bande-annonce a attiré l’attention de quelques professionnels: Stéphane reçoit des propositions d’aide et de soutien, mais surtout il rencontre de jeunes producteurs qui ont formé Rubykub Films. Après avoir vu le montage global, ceux-ci lui soumettent une idée (d)étonnante: tout reprendre à zéro et retourner le film dans des conditions plus confortables.

 

Une suggestion a priori surréaliste, mais excitante qui pose néanmoins quelques problèmes éthiques au réalisateur: quid de cette première version et de tous ceux qui y ont contribué, par exemple?
Oui, il est comme ça Stéphane. Il attache de l’importance à l’aventure humaine autant qu’à l’aventure artistique. De fil en aiguille, une solution est trouvée: le film en l’état sera montré une fois à l’occasion d’une projection publique réservée aux fidèles et à quelques curieux aussi sans doute. Ensuite, le projet sera repris de zéro.

 

 

Passionnément, Stéphane retourne donc aux basics pour réécrire certaines parties du scénario, quelques nouveaux comédiens sont contactés pour encadrer ceux qui conserveront leurs rôles. Comme Renaud Rutten ou les très prometteurs Pierre Olivier et Florian Pâques, deux des quatre jeunes acteurs principaux de la version originale.
Le film à vocation populaire doit être pensé dans une optique grand public. Rapidement, des pointures comme Jean-Luc Couchard (Dikkenek, Il était une fois une fois), Marc Weiss (Brabançonne) ou Tom Audenaert (Hasta la Vista, Les rayures du Zèbre) marquent leur accord enthousiaste pour incarner des personnages décalés et détonants qui doivent exister en quelques phrases et frapper les esprits dans ce road movie.

 

 

Car c’est vrai, nous ne vous avons pas encore parlé du pitch : David a 20 ans et vit seul avec son père adoptif. Sa vie bascule lorsqu’il apprend qu’il est victime d’une leucémie. Sans donneur compatible pour une greffe de moelle osseuse, ses jours sont comptés.
Acculé, son père adoptif lui révèle alors que son père biologique est toujours vivant. Et si cet homme pouvait lui sauver la vie ?

La probabilité est faible, mais sait-on jamais…
Porté à la fois par l’instinct de survie et par le besoin de rencontrer son géniteur avant de mourir, David part à sa recherche.

 

 

Il embarque avec lui ses trois meilleurs amis, que le temps et la vie avaient peu à peu séparés.
En fait, il nourrit secrètement l’espoir de les voir se réconcilier. Et si ce trip doit n’être bon qu’à cela, ce sera déjà une victoire.
Le court déplacement prévu à l’origine va vite se transformer en un voyage chaotique, semé d’embûches et de situations insolites. Pour préserver l’ambiance, David a décidé de cacher sa maladie à ses potes …

 

 

Pour mener à bien cette nouvelle version, lui donner une patine qui le sorte de la norme, la production a aussi (et surtout) besoin d’un grand directeur photo. Car l’image forte et belle, poétique et touchante reste, pour Stéphane, l’essence d’un cinéma populaire. Il faut également de préférence un artiste expérimenté, mais bienveillant, qui puisse accompagner le jeune réalisateur sans le phagocyter. Le faire progresser et au besoin le conseiller.

 

Rapidement un nom se dégage des conversations. Mais comment convaincre un professionnel averti de se lancer dans cette aventure originale? En fait, il n’y aura pas de souci: le chef opérateur contacté est séduit par le projet, le scénario et l’enthousiasme de l’équipe qui se met en place : Vincent Van Gelder (à gauche sur le cliché ci-dessus), cadreur de Marion Hansel et directeur de la photo attitré de Vincent Lannoo apportera sa poésie, son sens de la lumière et du cadre léché à un projet… qui n’attendait que cela.

 

Petit à petit, la team se complète. Le projet se structure. La production multiplie les rencontres et peaufine ses dossiers. La recherche de financement est lancée avec une vraie envie: convaincre le centre du cinéma de la fédé et l’entraîner dans cette aventure enthousiasmante.

 

Si tout se passe bien, l’équipe prendra la route en été pour 32 jours de tournage. Le scénario revisité est juste et émouvant. À moins d’être diplômé de l’école du cynisme, on ne peut s’empêcher de verser une petite larme à la fin. Facile? Non. Pas du tout. C’est très simple d’emmerder le lecteur et le spectateur, beaucoup moins de le toucher aux tripes.

 

 

Vous l’aurez compris: Nous Quatre est le genre de projet qui nous emballe. Un projet qui a l’ambition d’aller vers chacun, et de faire venir à lui un large public, ce qui a toujours été notre credo.

L’aventure aboutira-t-elle? On n’en sait rien aujourd’hui. Mais on suivra cela de près. De très près.

Les embûches seront nombreuses et les contourner demandera talent et opiniâtreté.
Mais, comme l’équipe, on y croit.

Et on a envie de vous pousser à y croire aussi.

 

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