Les frères Dardenne :
Parce qu’ils le valent bien.

Un beau jour de mai 1999, les frères Dardenne sont devenus les porte-drapeaux de notre cinéma. Pour la première fois, sur la Croisette, un film belge remportait une Palme d’Or : Rosetta entrait dans la légende. Bien sûr, il y avait eu avant cela un prix d’interprétation pour Pascal Duquenne (partagé avec Daniel Auteuil)  dans le Huitième Jour du Belge Jaco Van Dormael. Mais la Palme d’Or quand même (d’ailleurs doublée d’un prix d’interprétation pour Emilie Dequenne), c’était encore autre chose…

 

Depuis lors, vous le savez, l’histoire a bégayé: un prix d’interprétation pour Olivier Gourmet dans Le Fils, un prix du scénario pour Le Silence de Lorna et entre-temps une deuxième Palme pour L’Enfant. Avec deux récompenses suprêmes sur la Croisette, Jean-Pierre et Luc Dardenne se sont hissés parmi l’élite du cinéma mondial puisqu’ils ne sont que cinq à avoir réussi cet exploit (six si on compte les frères pour deux) : Emir Kusturica (1985 et 1995), les frères Dardenne donc (1999, 2005), Francis Ford Coppola (1974, 1979), Bille August (1988, 1992) et Shohei Imamura (1983, 1997). Impressionnant, non ?

 

 

Nul n’est prophète en son pays, l’adage se vérifie chaque jour, surtout chez nous. Dans le cas des Frères, cette maxime confine à la malédiction. Bien sûr, parmi les cinéphiles, Luc et Jean-Pierre sont des demi-dieux, mais le grand public les associe trop souvent à un certain misérabilisme wallon alors qu’ils sont au contraire deux des plus importants cinéastes de l’histoire. Ces hommes très impliqués socialement n’ont pas peur, c’est vrai, d’ancrer leurs films dans une réalité objective. Mais ils la transcendent par une vision originale et une maîtrise très personnelle des cadres et du rythme. Ils ont un style c’est évident et ce style évolue de film en film; constamment ils se renouvellent, réinterprètent, réinventent.

 

Ce style, très immédiatement identifiable, est devenu aujourd’hui bien plus qu’une marque de fabrique; il est copié un peu partout par des fans, parfois très renommés, qui ne tarissent pas d’éloges dès qu’il s’agit de parler des Frères. Vous avez vu Black Swan ? Et vous avez aimé? Darren Aronofsky, son réalisateur, est tellement fan de Rosetta ou du Fils qu’il n’hésite pas à filmer Natalie Portman de dos à hauteur de nuque pendant un très long plan-séquence… réplique d’une scène de The Wrestler, son précédent coup de poing, avec Mickey Rourke qui était un long hommage enthousiaste au cinéma des Dardenne. David Cronenberg, artiste canadien mythique, s’emballe quand il évoque l’oeuvre des frères. Et il en va de même pour des tas de très grands réalisateurs de tous les pays. Ici, on ne s’en rend pas toujours compte, mais les Dardenne sont des références mondiales.

 

Jean-Pierre et Luc ont un autre don: celui de dénicher, et de révéler des talents qui s’affirmeront ensuite  dans l’univers du cinéma. Avant La Promesse, on connaissait peu Olivier Gourmet. Avant Rosetta, personne n’avait jamais entendu parler d’Émilie Dequenne. Jérémie Renier qui est  en train de tourner le biopic consacré à Cloclo est le rejeton préféré des frères, souvent présent dans leurs films. Et à ses côtés, dans L’Enfant, a été découverte Déborah François, aujourd’hui une vedette sur qui se construisent des projets ambitieux. Quant au jeune Thomas Doret qui est leur gamin au vélo, même Ladbrokes refuserait de payer le pari qu’il risque de devenir un grand. C’est une évidence totale.

 

Alors certes, les frères Dardenne pourraient continuer à exister sans le soutien du grand public. Mais le spectateur belge francophone  qui aime le cinéma peut-il faire plus longtemps l’impasse sur deux de ses meilleurs ambassadeurs ? S’ils ont parfois été qualifiés d’austères, les frères Dardenne nous offrent en 2011 leur film le plus engageant. Le Gamin au Vélo, sélectionné à Cannes et qui sort déjà le 18 mai, est lumineux, plutôt optimiste. Et surtout, il bénéficie, pour la première fois, de l’apport d’une vraie star, jusqu’ici étrangère à leur univers. Retrouver Cécile de France chez les frères Dardenne est pourtant presque une évidence, l’expression d’un plaisir partagé, la combinaison de deux mondes dont on obtient ici le meilleur.

 

Le Gamin au Vélo devrait donc être le premier film des frères Dardenne à dépasser le cercle des cinéphiles initiés. Un indice qui ne trompe pas: les sites français les plus populaires en matière d’actualités cinématographiques se sont lancés dans une course effrénée pour diffuser en primeur la bande annonce du Gamin au vélo, conscients que leur public aurait très envie de découvrir ces premières images. Pour la petite histoire, c’est Allo-Ciné qui l’a emporté.

 

Et si vous vous demandez encore pourquoi vous devez donner une chance aux frères et vous plonger dans ce film, la réponse tient en quelques mots que nous avons épinglés en titre: parce qu’ils le valent bien !

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