Troisièmes Noces: deuxièmes chances

Avec Troisièmes Noces, David Lambert opère un virage à la fois surprenant et logique, mettant à nouveau en scène un couple que tout oppose, livrant une comédie tendre et dramatique qui parle aussi bien d’amour que de veuvage, de migration que de transmission. Que restera-t-il, après nos amours? 

Martin (Bouli Lanners) est malheureux. Dévasté. Il vient de perdre l’amour de sa vie, et plus rien ne sera jamais comme avant. Troisièmes Noces débute donc avec l’enterrement de Jan (Benjamin Ramon), un comble pour un film de mariage. Martin a l’élégance de rester drôle, et de livrer un éloge funèbre pour le moins décalé de feu son époux. Ce n’est pas tant une question de politesse du désespoir qu’une question de survie. Comment surmonter l’impossible, la perte de l’être aimé? En se donnant une deuxième chance…

Sans le savoir, c’est ce que Norbert (Jean-Luc Couchard) va lui offrir sur un plateau. Car Norbert, lui, est fou amoureux de Tamara (Rachel Mwanza). Seulement cette dernière n’a pas de papiers, et disons que Norbert a une fâcheuse tendance à enchaîner les mariages qui pourraient paraître blancs. Alors Norbert propose à Martin d’épouser Tamara, en échange d’une généreuse enveloppe. Et comme Martin a besoin de fonds pour conserver sa maison, celle de Jan… Il accepte sans grande conviction ce pari un peu dingue: faire croire aux représentants de l’office des étrangers (Virginie Hocq et Jean-Benoît Ugeux) à la pureté de l’amour qui unit un vieux veuf homosexuel et une jeune femme congolaise sans papiers.

Evidemment, le pari à relever aux yeux de l’administration s’avère tout aussi complexe à relever à titre personnel pour Martin et Tamara. Si l’on ne peut pas vivre seul, peut-on néanmoins vivre avec quelqu’un qui nous est si différent, dans le respect et l’acceptation?

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Avec Troisièmes Noces, David Lambert brode autour d’une situation qui était déjà au coeur de ses deux films précédents: la confrontation de deux êtres que tout oppose, qui n’auraient jamais dû se rencontrer, et vont devoir apprendre à vivre ensemble. Mais le réalisateur change cette fois-ci de ton. Si Hors les murs et Je suis à toi offraient déjà des respirations comiques au fil de récits dramatiques, Troisièmes Noces est une comédie dramatique assumée. Une comédie qui commence par un deuil, certes. Une comédie qui traite de personnages en situation de détresse quasiment vitale (la quête de papiers pour l’une, la perte de l’amour pour l’autre). Une comédie qui prend même le risque de rire de ce qui n’a parfois rien de drôle. Mais une comédie qui choisit de croire que l’on a tous une deuxième chance.

En passant et l’air de rien, Troisièmes Noces réussit également à offrir à Tamara à défaut d’une identité belge une identité de personnage, dépassant le stéréotype du migrant pour faire de la jeune femme (et plus loin dans le récit, de son « frère », incarné par Eric Kabongo) des protagonistes jouissant d’une vraie présence à l’écran, et dont le statut de migrant n’est qu’un des éléments constitutifs de leur personnalité, et non le moteur. Une façon engagée d’user de la fiction pour aborder des enjeux de société brûlants en leur donnant profondeur et épaisseur, sans les mettre au centre du discours, mais en les attaquant de biais, comme en filigrane.

Pour porter ces personnages, David Lambert a opté pour la spontanéité de Rachel Mwanza, jeune comédienne congolaise découverte dans Kinshasa Kids de Marc-Henri Wajnberg, puis primée à Berlin pour Rebelle de Kim Nguyen il y a quelques années, et pour le comédien et musicien belge Eric Kabongo, tête d’affiche du succès allemand au box-office Bienvenue chez les Hartman. Face à eux, on retrouve Bouli Lanners dans un rôle inédit pour le comédien wallon, celui d’un vieux décorateur de cinéma un peu bougon, homosexuel fantasque mais endeuillé qui tente de donner un sens à sa (sur)vie. Notons également la pléiade de seconds rôles savoureux offerts à Virginie Hocq (qui nous parlait ici de son expérience), Jean-Benoît Ugeux, Jean-Luc Couchard ou encore Benjamin Ramon.

Troisièmes Noces est tout à la fois une comédie de remariage, un buddy movie où deux personnages que tout oppose vont devoir faire alliance pour réussir leur « mission », une satire administrative kafkaïenne (ou brazilesque), ou encore une histoire de veuvage et de transmission, qui s’interroge sur la façon dont un personnage bourru et renfermé sur lui-même peut s’ouvrir au don et à la générosité par la grâce d’une rencontre improbable.

Comme pour ses deux premiers films, David Lambert est à nouveau produit par la société liégeoise Frakas. Troisièmes Noces sort ce mercredi 13 juin en Belgique.

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