Kill me Please : On ne badine pas avec la mort (quoique)

Fin 2010, la sortie en salles de Kill me Please a été perturbée par un petit malentendu: beaucoup de journalistes ont présenté cette œuvre caustique, résolument en marge, comme l’héritière de C’est arrivé près de chez vous.

C’est vrai, certaines ressemblances sont indiscutables : une image en noir et blanc assez granuleuse, Benoit Poelvoorde en roue libre dans la séquence d’introduction, un ton décapant, un humour borderline…

 

Mais in fine, l’accroche reprise jusque sur l’affiche a desservi Kill me Please, car les deux œuvres sont assez différentes : les spectateurs, attirés par ce seul slogan, ont forcément été un peu désarçonnés et cette déception a nuit au précieux bouche-à-oreille, crucial pour ce type de sortie.

 

C’est d’autant plus dommage que Kill me Please, coproduit en Belgique par La Parti est un puissant uppercut.

Le deuxième long métrage d’Elias Barco aborde des thèmes graves : la mort, l’envie d’enfinir, le suicide assisté… et les traite d’une manière assez étonnante; acide plutôt que drôle, unique en son genre.

 

 

 

Nichée au cœur d’une forêt, la mystérieuse clinique du docteur Kruger ressemble plus à un hôtel de famille qu’à un centre médicalisé. Ce château accueille des pensionnaires qui croient ne plus avoir envie de vivre. Comme la société a enfin admis qu’il était indécent de laisser les gens en finir seuls et que le suicide avait un coût sociétal important, l’institution reçoit même une subvention gouvernementale.

 

Grâce à Kruger, la mort volontaire ne sera plus une tragédie, mais un acte médical. Cependant, le véritable rêve du directeur est de trouver un cadre thérapeutique à l’intérieur duquel la médecine parvient à dominer cette pulsion de destruction. Si un de ses pensionnaires veut repartir, renonçant à ses plans morbides, le docteur a réussi sa mission. C’est en tous cas ce qu’il prétend, mais cette profession de foi laisse assez sceptique une inspectrice de la brigade financière qui le suspecte plutôt de détrousser des gens désespérés.

 

Jour après jour, Kruger accueille dans son bureau de nouvelles personnes au bout du rouleau. Chacune a son histoire, ses raisons d’en finir, ses envies pour quitter dignement l’existence. Et s’il ne parvient pas à les faire changer d’avis, le docteur tente de leur offrir les conditions idéales pour une sortie réussie… dans les limites de ses possibilités.

 

 

Sur le papier, Kill me Please ne prête pas à rire. Et pourtant… la galerie de personnages qui fréquente la clinique est prétexte à une série de sketches grinçants, parfois franchement désopilants. Comme les acteurs jouent la carte de la retenue et du sérieux, le décalage n’en est que plus irrésistible. Ici, pathétique rime avec comique, et grave (le sujet grave) rime avec grave (trop grave, ce film!).

 

 

Benoit Poelvoorde souvent présenté comme la figure de proue du film, n’en est que le point de départ. Le héros, c’est le docteur, Aurélien Recoing, parfaitement secondé par des pensionnaires, tous typés et épatants. En mère pet’ sec à cheval sur les principes, Virginie Efira cherche des noises à Kruger et prouve qu’elle est une vraie actrice avec une belle carrière devant elle. A bien des égards son rôle ici annonce celui qu’elle tiendra deux ans plus tard dans Dead Man Talking.

Quant à Bouli Lanners, il irradie l’écran. Dans une interview qu’il nous a accordée au démarrage de Cinevox, il mentionnait que Michael Lonsdale

était son comédien préféré. Si vous n’avez jamais vu le rapport entre les deux hommes, ruez-vous sur la Trois ce mercredi à 21h : la ressemblance confine parfois au mimétisme.

 

Grand Prix du festival de Rome en 2010, Kill me Please a suscité plus de critiques positives à l’étranger que chez nous. Bizarre autant qu’étrange. La diffusion en télé devrait permettre à un public qui ignore jusqu’à son existence de découvrir cette pépite atypique, dérangeante et souvent comique.

Alors, goûtez la différence…

 

 

 

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