La lune en Scope
(vive les coprods!)

Une jeune femme dont la carrière est brillante vit heureuse avec son petit ami. Fin. Car on ne fait pas de bons films avec une histoire simple, sans aspérité. Par chance pour l’intérêt du scénario, une terrible malédiction règne sur sa famille : chaque premier mariage est invariablement voué au divorce. Lorsque son fiancé lui propose de l’épouser, la belle (incarnée à l’écran par Diane Kruger, la très très belle, donc) prend peur et décide d’épouser le premier inconnu qu’elle rencontre.

 

Un inconnu? Pas vraiment puisqu’il s’agira de Dany Boon. Et naturellement, les éléments du puzzle ne vont pas s’emboîter aussi simplement qu’imaginé. Pour cette comédie dépaysante qui conduira notamment son casting au Kenya, Scope Pictures qui coproduit le long métrage en Belgique a attiré le tournage à Bruxelles (8 jours de studio), mais également en Wallonie: aux aéroports de Liège et Charleroi, à l’abbaye de Chèvremont, au bowling de Charleroi et à la gare de Binche.

 

Car oui, le cinéma belge, c’est cela aussi. Et plus encore dans la partie francophone du pays où des producteurs, plus ou moins spécialisés en la matière, organisent des coproductions minoritaires qui permettent à des techniciens ou des acteurs belges, des sociétés aussi, de travailler sur des projets auxquels ils n’auraient pas eu accès autrement: Mon Pire Cauchemar d’Anne Fontaine est coproduit par Artémis, et Entre Chien et Loup qui nous amène aussi The Congress d’Ari Folman ou Les Adorés avec Benoît Poelvoorde. Légitime Défense, Nuit Blanche et La Vie d’une autre,  sont défendus par Saga Films, Bye Blondie par Frakas, L’Exercice de l’État, comme Looking for Eric en son temps, par les Films du Fleuve. La liste est sans fin. La coproduction est une des grandes spécialités belges. Autre avantage du système: la réciprocité permet à des films belges de se monter plus facilement.

 

Pour attirer chez nous des œuvres étrangères, une série de mécanismes ont été mis au point comme Wallimage, par exemple, qui coproduit des  projets qui réalisent d’importants investissements en Région wallonne. Ou le Tax Shelter, bien sûr, un mécanisme fiscal fédéral qui permet à des sociétés belges bénéficiaires d’investir dans des œuvres audiovisuelles une partie de l’argent qu’elles auraient dû verser aux impôts. D’accord, on schématise un peu, mais le but de cet article n’est pas d’entrer dans le détail. Simplement d’expliquer que l’État Fédéral, les régions et des sociétés qui se sont spécialisées ont radicalement changé le paysage audiovisuel belge ces dix dernières années. Car si l’argent circule, les sociétés se développent, les artistes peuvent travailler sans s’expatrier : tout le secteur qui en profite. Ce n’est pas un hasard si dans le même temps, une escouade de nouveaux réalisateurs ont pu aborder le long métrage et se révéler au public: Bouli Lanners, Olivier Masset-Depasse, Sam Garbarski, Micha Wald, Bernard Bellefroid, Joachim Lafosse, demain François Pirot, Matthieu Donck, Nicolas Provost ou Patrick Ridremont … Une sacrée liste non exhaustive qui ne couvre que la partie francophone de notre pays et les seuls réalisateurs qui ont été cofinancés par Wallimage.

 

Parmi les sociétés les plus efficaces au niveau du Tax Shelter, on note donc Scope Invest, qui s’est doublée en 2005 d’une petite sœur hyperactive, Scope Pictures, spécialisée dans la coproduction de longs métrages français grâce à l’argent récolté par le Tax Shelter. On lui doit Le Petit Nicolas, Potiche, La Chance de ma Vie, Astérix : Au Service de Sa Majesté, Moi Michel G milliardaire, Il Etait une fois une Fois, Un Heureux Evénement, Marsu, Rien à Déclarer ou Fly me to the Moon. Des films qui n’avaient strictement aucune raison de venir se tourner en Belgique sans cet apport de capitaux qui ne sont pas, vous l’aurez compris, des subventions, mais des investissements, privés dans le cadre du Tax Shelter, publics pour Wallimage qui cofinance le film puisque celui-ci dépense massivement en Wallonie. L’apport de la Communauté française est un peu différent, mais néanmoins important, nous y reviendrons.

Bref, vous connaissez notre adage préféré: tout est dans tout. Et inversement. C’est ainsi que la machine s’emballe !

Dans Fly me to the Moon, Diane Kruger retrouve le sol belge après son magnifique rôle dans le non moins fabuleux Mr Nobody. Et Dany Boon, qui fit ses études à Tournai, puis réalisa une grande partie de Rien à Déclarer chez nous, se replongera avec plaisir dans les monts et les vaux wallons.

Mis à part une participation dans Astérix et Obélix, Au Service de Sa Majesté, Dany Boon ne tournera aucun autre film que celui-là dans un avenir proche. Il s’agit  pour les producteurs d’une exclusivité. Le plus amusant, c’est que Dany n’était pourtant pas envisagé au départ (c’est un scoop que vous n’avez pas encore lu ailleurs). Le script lui est parvenu grâce à l’agent qu’il partage avec Diane Kruger. C’est donc lui qui a proposé ses services aux producteurs incrédules. Au passage, il a aussi suggéré un changement de réalisateur. Conséquence : Fly me to the Moon sera mis en scène par un de ses scénaristes, un certain Pascal Chaumeil à qui on doit L’Arnacoeur

 

Sur le papier on tient naturellement une combinaison qui devrait cartonner au box-office : une star française, une actrice internationale de premier plan, un jeune réalisateur qui a déjà un énorme succès à son actif, un scénario de comédie romantique parfaitement huilé, de l’exotisme… En toute logique, Fly me to the Moon (qui devrait changer de titre pour éviter la confusion avec le long métrage d’animation de Ben Stassen) devrait être un des événements ciné français essentiels de 2012.

Et comme Marsu ou Astérix, il porte dans ses gènes de petites traces d’ADN belgo-belge.

 

[iconographie (de haut en bas) : La Lune vue par Mélies, Dany Boon aux 10 ans de Wallimage,  Une image de The Congress mi-anim, mi-live avec Robin Wright, Le Petit Nicolas et Diane Kruger dans Mr Nobody]

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