Où ont-ils passé leurs vacances (7) ? Dans la garrigue à regarder des films belges !

Nîmes est une ville du Gard connue pour ses arènes et ses corridas. Le tout jeune et très prometteur Festival du cinéma belge à Nîmes et en Garrigue y a élu domicile du 16 au 21 juillet dernier, pour sa deuxième édition. Pour les néophytes, la garrigue est une sorte de maquis, elle désigne ici la campagne environnante autour de Nîmes, peuplée de petits villages typiques comme Collorgues ou Blauzac.

 

Par Maryline Laurin

Photo initiale : Stéphanie Dubus

 

 

Peu de pub, une annonce FB, de la presse locale…en fait peu de moyens pour la com. Ce n’est donc pas le tapage médiatique qui nous a conduit jusqu’au festival de Nîmes, mais bel et bien la curiosité.

Comment un festival consacré au cinéma belge peut-il intéresser les habitants d’un petit village du sud de la France de tout juste 500 habitants ou ceux de Nîmes en pleine saison culturelle estivale et à deux pas des propositions alléchantes d’Arles, Avignon, Montpellier … ?

 

Meryl Fortunat-Rossi, Louis Héliot, Frédéric Fonteyne, Anne Paulicevich

(Photo Maryline Laurin)

 

Tout simplement parce que ce festival est spécial et unique !

L’infatigable Louis Héliot, tête chercheuse de nouveaux projets, ainsi que quelques collectivités locales françaises ont été bien inspirés d’accompagner ce projet. Présent lors de l’ouverture, celui que beaucoup de cinéastes belges considèrent comme un guide sur le territoire français nous en explique les raisons :

 

Louis Héliot avec notre collaboratrice Maryline Laurin, devant l’appareil de Pablo Munoz Gomez Photo : Justine Montagner

 

« Présenter des courts et longs métrages belges francophones en plein air à Nîmes et dans des petits villages de garrigue, c’est une proposition culturelle différente des festivals traditionnels portée à la fois par Meryl Fortunat-Rossi, le régional de l’étape et une partie de l’équipe du Brussel Short Film Festival (BSFF), soit Pascal Hologne et Céline Masset).

Après l’expérience d’Un soir un grain, nous avons jugé, avec Anne Lenoir, directrice du Centre Wallonie-Bruxelles à Paris et nos collègues de WBInternational qu’il fallait soutenir cette initiative culturelle. C’est important ,car il apparaît clairement que les réalisateurs se découvrent aussi entre eux et que des projets naissent lors de ces rencontres loin de Bruxelles! Rien de plus plaisant que de pouvoir présenter l’année prochaine des films qui auront été imaginés dans la cour de l’hôtel Imperator ou au Bar du Prolé à Nîmes! ».

 

Projection dans la cour de l’Imperator. Avec Pablo Munoz Gomez.(photo Maryline Laurin)

 

 

À l’initiative du projet nous trouvons donc Meryl Fortunat-Rossi, jeune réalisateur de documentaires notamment sur la corrida (3 vueltas, Esperando) et co-réalisateur de la plupart des courts métrages les plus fous de Xavier Seron (Mauvaise lune, le récent Ours noir ). Il a aussi un projet de long métrage A moitié vide. Tout cela dans la maison de production très en vogue actuellement, Hélicotronc d’Anthony Rey.

 

Meryl, en homme du Sud, bien qu’installé depuis quelques années à Bruxelles, ne “craint degun” et surtout pas d’arriver à rendre la population sudiste accro au cinéma belge ! (photo ciné concert)

Il s’est associé au redoutable tandem Céline Masset  et Pascal Hologne et à sa compagne Stephanie Dubus, talentueuse photographe pour l’aider dans sa croisade.

Une partie de l’équipe du festival Les Enfants terribles était aussi au rendez-vous.

 

 

 

Sollicité pour être le parrain de cette deuxième édition, Fréderic Fonteyne  (précédemment parrain au Be Film Festival) actuellement en train d’écrire un nouveau long métrage avec sa compagne Anne Paulicevich a immédiatement accepté : « Je venais en confiance. Pascal et Céline, je les connais depuis 20 ans ainsi que leur festival du court métrage à Bruxelles. Ce sont des gens consciencieux qui avec le temps ont réussi a créer un événement vraiment essentiel à Bruxelles autour du court métrage, autour du cinéma, autour des jeunes cinéastes , où le public vient … Pascal et Céline finissent toujours par créer des endroits , des espaces où l’ambiance est créative, où les gens se rencontrent. Ce n’est pas juste un rassemblement de gens qui sont invités et point !”

 

Sébastien Petit, réalisateur de Bowling Killers n’en démord pas. Pour lui, c’est le « Best festival ever! » Et d’illustrer les propos de Fred Fonteyne :

 

Photo : Stephanie Dubus 

 

« Les festivals de films belges qui se déroulent à l’étranger ont un petit truc en plus que les autres n’ont pas : ils créent des liens forts entre les cinéastes qui y présentent leur film. J’avais déjà ressenti ça au festival Le court en dit long à Paris. Le festival du film belge à Nîmes et en Garrigue pousse encore plus loin ce ressenti. Nous nous connaissions plus ou moins tous, mais après avoir passé 8 jours à vivre ensemble à une vingtaine, et à présenter ensemble nos films le soir, les liens se sont renforcés. Pour ma part, je suis rentré avec des potes pleins les poches.

 

Du coup, les projets naissent et les futures collaborations fusent. Le fait aussi que chaque jour nous allions vers le public en installant notre écran dans des villages plus beaux les uns que les autres ajoute à la magie de l’événement. On a eu beaucoup de retours du public souvent très enthousiaste après la projection en buvant un verre avec eux à la buvette. Il y avait de tout, c’était très hétéroclite, des amateurs de ciné, des gens qui n’y vont jamais, des habitants, des touristes …

 

Ils n’en sont qu’à leur 2e édition, et je ne vois même pas comment Méryl Fortunat Rossi, Stéphanie Dubus, Pascal Hologne et Céline Masset vont pouvoir améliorer leur concept tant il est déjà génial, mais je leur fais confiance. Je n’aurai donc qu’un seul mot : essentiel ! »

 

Comme le souligne, Sébastien un des objectifs du Festival de Nîmes est de toucher un autre public que celui qui va en festival ou se rend régulièrement dans les salles obscures. L’idée de l’équipe du festival est d’aller à la rencontre des gens dans les villages plutôt qu’eux se déplacent dans un cinéma. Cependant, au lieu des traditionnels cinémas de plein air que l’on retrouve fréquemment en été, c’est ici un véritable festival avec des invités et une programmation des derniers courts métrages de l’année et de quelques films marquants qui peuvent plaire aux locaux.

 

 Photo : Justine Montagner

 

Même si Nîmes reste le pôle d’attraction pour les médias, c’est dans les petits villages que l’essentiel du festival se passe. Loin des discours pompeux, ici s’affiche clairement, la mise en place d’une culture pour tous et d’une forme d’éducation à l’image. À l’instar d’un Cinéma Paradiso, le cinéma redevient populaire. Sans être commercial.

 

La gratuité des séances auquel l’équipe tient beaucoup et le dispositif léger qui l’accompagne permettent une proximité et une convivialité qui aident à la rencontre et à la découverte. Et rappelle aux plus anciens, comme à Collorgues, le temps où on bloquait la rue et on tendait un drap à la va-vite et on improvisait un cinéma, chacun emmenant sa chaise pour y assister à la projection.

Maintenant le nez dans les étoiles, sortis de derrière leurs écrans de télé ou d’ordinateur ils viennent retrouver le grand écran animé de la place, au coté des touristes et des aficionados du cinéma du plat pays.

 

Les villageois sont heureux, de ce renouveau, de cet intérêt pour leur lieu et ils manifestent leur reconnaissance par mains témoignages que nous conte Méryl, l’enfant du coin : 

« Nous avons beau être habitué à l’image, il reste toujours quelque chose de magique dans le fait de projeter une image dans un lieu non approprié à cela. Nous sommes tous ravis de ce qui s’est passé au festival cette année. Et les réalisateurs également comme Michaël Bier  (ci-dessous, Une séparation) dont c’était la première projection en plein air sous l’église de Blauzac. Il y avait du monde et comme on dit ici il s’est régalé.

 

 Photo : Stephanie Dubus 

 

Collorgues c’est un peu le cœur de la manifestation. Lorsqu’un village de 500 habitants, où il n’y a pas un magasin, affiche complet tous les soirs, avec un peu plus de 200 personnes dans la salle, en moyenne c’est quand même énorme. »

 

La méthode employée est simple : propositions de qualité, rencontres, échanges, partage et convivialité.

Et le pac à l’eau (mais pas que) qui délie les langues et côtoie la Chimay sur les comptoirs où au coude à coude, le monde se refait, le cinéma se parle.

 

« L’année dernière », reprend Méryl, « nous avons passé Merci de Christine Rabette et les gens de Collorgues racontaient le film à ceux qui n’était pas venus, en disant que c’était un super film. De même nous avons beaucoup parlé avec Pablo et Sébastien de l’accueil de leur film par le public de Nîmes, qu’ils pensaient mitigé car il n’y avait pas eu beaucoup de rire. Mais c’était en fait l’inverse, les gens m’ont énormément parlé de Welkom qui a été rebaptisé le  film de la poule. Il a alimenté nombre de conversations et entre eux ils se sont raconté le film comme une bonne blague. Le film a ainsi rejoint la tradition orale.

Il se passe plein de belles histoires, ici.

Un jour des gens sont venus de Collias en vélo, ils ne savaient pas où dormir, ils se sont arrêtés là parce qu’il y avait le festival. Naturellement les gens du village leur ont trouvé une chambre.

Les habitants de Collorgues font l’effort de participer et de venir au festival parce que ça leur fait plaisir, que ça se passe chez eux, que le village bouge.

 

Photo : Justine Montagner

 

Nous avons fait un concours de pétanque franco/belge qui était fantastique (avec en guise de cochonnet un bouchon de Chimay et pour trophée un MannekenPis !). Certains sont venus juste pour le jeu, en disant que le cinéma belge ne les intéressait pas forcément.

Du coup nous les avons incités à rester pour voir le film et, naturellement, ils ont aimé. De la même manière, les habitants du village qui ont joué à la pétanque sont venus le soir voir non pas un film, mais le film du copain qu’ils ont battu ou avec lequel ils ont joué dans l’après-midi. Ça change tout.

 

Photo : Justine Montagner

 

Un autre jour, nous sommes allés faire une balade en garrigue où les gens nous expliquaient leur boulot de rénovation du patrimoine. À cette occasion, des liens se sont noués. Par la suite, ils nous ont apporté leurs salades du jardin pour participer au repas que nous préparions. Je pense que c’est comme cela que l’on arrive à avoir une vraie rencontre avec du public et après que les gens arrivent à parler cinéma et à venir le voir projeter. Nous avons aussi fait une projection pour les enfants dans le temple de Collorgues. Il y avait une trentaine de jeunes spectateurs qui sont venus, c’était super !

 

Projection pour les pictchounes au temple (photo :  Justine Montagner )

 

Mais le truc qui m’a le plus touché c’est un gars qui était là depuis deux jours et qui me dit : C’est bien ce que vous faites, car c’est gratos, mais surtout vous venez faire vivre le village.

Je le vois hyper ému après le film de Valérie Rosier Silence radio. Et il me confie : mon père aimait le cinéma. Ensuite, il se tait. Il attend super longtemps avant de terminer : Et il avait raison ! Merci pour ce que vous faites !.

Là, tu te dis il a dû penser à son père pendant tout le film.

Ce genre de réactions me touchent : c’est quand même pour ça que l’on se bouge le cul.  » (Grand sourire)

 

Valéry Rosier avec Anthony Rey (Photo :  Maryline Laurin )

 

 

Valéry Rosier qui revient pour la deuxième fois au festival et qui a assuré un blind test mémorable nous parle de cette projection inoubliable :  

« Le festival diffusait Silence radio sur la place de village typique pas loin de la ville d’Uzes. Les 200 ou 300 sièges étaient pris. Le film était diffusé après un tournoi de pétanque organisé entre les réalisateurs belges et les villageois (NDLR. les réalisateurs manquaient visiblement d’entraînement et ont très poliment laissé gagner les villageois). Je dois avouer que j’ai vécu ici une projection que je n’avais jamais osé imaginer : le public chantait les chansons que les protagonistes chantaient dans le film: Les roses blanches, Le plus beau tango du monde, Mon vieux… Tous chantaient en cœur. C’était une projection vraiment magique.

 

 

 Photo : Justine Montagner

 

Ce festival est aussi une merveilleuse occasion de rencontrer d’autres réalisateurs belges dans un cadre différent. L’année passée, j’y ai découvert un réalisateur que je ne connaissais qu’un peu avant cela et cette année il a accepté de réaliser un épisode d’une série documentaire que j’ai fait pour Arte et la RTBF qui s’appelle Babel Express. Ce n’est donc pas un projet qui a émergé, mais plutôt une belle collaboration. »

 

Et Anthony Rey, l’heureux producteur d’Helicotronc de conclure : « Cinéma, convivialité, échanges et ripailles, les bons ingrédients d’un festival réussi ! »

 

Photo : Justine Montagner

Ah ! Oui, car nous avons omis de vous parler d’un élément primordial du succès de ce festival, la cuisine de Pascal Hologne …Du barbecue géant aux carbonnades (photo) jusqu’aux déjeuners mitonnés pour les invités, Pascal sait attirer le chaland et le régaler.

 

 Le fameux barbecue de Pascal Hologne (photo : Stephanie Dubus )

 

 

Que ce soit au festival ou en cuisine, tout le monde met la main à la pâte:  pas de hiérarchie, chacun participe selon ses compétences dans la joie et la bonne humeur.

 

Emballé, Méryl évoque déjà l’année prochaine. Plusieurs pistes sont lancées, en forme de souhaits :

« Un prix du public à Collorgues, une des habitantes y tient absolument même si tous les films ne passent pas à Collorgues ! »

Voilà qui démontre que le public s’approprie le festival et apporte son avis artistique, à son niveau.

 

Photo : Maryline Laurin

 

 » Cela pourrait se faire d’autant plus que l’on se rend compte que les villageois s’habituent à voir des films et peu à peu ils acquièrent un vrai œil et commencent à être critiques par rapport à des films et à faire même leur propre palmarès.

 

photo : Stephanie Dubus

 

 » Amener les gens de Collorgues à voir du documentaire peut sembler un défi. Nous avons commencé avec Silence radio de Valérie, maintenant je pense qu’ils sont prêts et qu’on peut aller vers quelque chose de plus pointu. J’adorerais aussi leur montrer Ernest et Célestine.

 

J’aimerais bien proposer une carte blanche au festival Itinérances d’Ales, programmer une leçon de cinéma donnée par le parrain de l’édition au cinéma le Sémaphore à Nîmes, peut-être…

Ou accompagner des projets comme celui de ce gars qui est venu à l’Imperator, a fait un stage de musique pour les enfants. Nous lui avons prêté un film et il l’a montré aux gamins. Les minots ont composé une musique dessus. Là, j’ai le résultat et je vais bien sûr le faire parvenir au réalisateur.

Il y a plein de choses que l’on peut mettre en place à l’image de cela : il faut que le festival permette aux enfants de rencontrer les réalisateurs, de faire la même démarche qu’a entreprise cet homme avec eux. Ensuite, les enfants montrent cela devant les parents et on envoie une copie de la version finale au réalisateur. »

 

Mille projets fourmillent dans l’esprit de Méryl et, sous son impulsion, nous nous sommes nous aussi mis à rêver … à une séance d’Henri de Yolande Moreau à Collorgues accompagnée d’un concert de Wim Willaert dont nous avions déjà eu un mémorable aperçu au Centre Wallonie Bruxelles à Paris en septembre dernier).

Wim, tout le monde le connaît maintenant dans les Cévennes depuis la projection de Solo rex. Il y est reconnu comme un des héros, non pas du Magritte du meilleur court métrage 2014, mais d’un des délires préférés des habitants de Collorgues : le film de la poule !

 

Welkom !

 

 

 

 

 

* Un soir un grain a pour vocation de promouvoir l’Art et le cinéma en particulier en favorisant au maximum les rencontres entre le public et les professionnels.

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