« Home », adolescence en crise

Home, le quatrième film de Fien Troch, sort mercredi prochain dans les salles belges. Présenté dans de nombreux festivals, il a valu à la réalisatrice un Prix de la meilleure réalisateur à Venise, et a remporté pas moins de deux Prix du public lors du dernier Festival de Gand.   

 

 

 

 

Lina, jeune fille aux traits encore enfantins mais au visage buté, fait face avec nervosité et opiniâtreté au directeur de son école qui lui reproche de faire courir des rumeurs sur l’un de ses enseignants. Elle se défend bec et ongles, chargeant aussi bien l’enseignant que ses camarades qui colportent les mêmes bruits. John ignore les remontrances du surveillant du lycée qui lui enjoint de ne pas trainer dans les couloirs pendants les heures de cours. Il n’en a que faire, il est trop occupé à tapoter sur son smartphone. Sammy fume sous l’extracteur d’air de la cuisine familiale, ignorant les remontrances de sa mère qui l’invite à aller fumer dans le jardin, où il fait selon lui trop froid. Kevin, lui, semble au premier abord moins retors à l’autorité des adultes. Mais il sort d’un centre de redressement, et ses parents ne veulent plus de lui sous leur toit, estimant ne plus pouvoir faire face. Kevin s’installe donc chez sa tante et son oncle, la mère et le père de Sammy, qui l’accueillent également comme apprenti dans leur entreprise de sanitaires. La maturité de Kevin impressionne la petite troupe, autant que son aura de délinquant. Alors que l’amitié s’installe, les adolescents se retrouvent indéfectiblement liés par un destin tragique.

 

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Dès le générique, l’intention est posée. Le film est inspiré de faits réels, et c’est bien la réalité du quotidien de ces adolescents modernes que Fien Troch tente de capturer, n’hésitant pas à zoomer sur les émotions qui transpercent ses jeunes héros, filmant au plus près leurs visages, renforçant le poids des portraits grâce au format 4:3. Sa caméra mobile épouse au plus près les échanges entre les adolescents, laissant même les séquences filmées avec les smartphones des adolescents coloniser le grand écran. Fien Troch filme une jeunesse en plein délire narcissique, hyper-sexualisée, alcoolisée, droguée, et surtout, dévastée par l’ennui. Elle scrute de près ses personnages, souvent en mouvement, s’éloignant de fait du formalisme de ses opus précédents, et d’un certain souci de la composition. Ce ne sont plus les émotions ou les atmosphères qui sont au coeur de la narration, mais l’histoire, ou plutôt les histoires de ces jeunes en train de se construire.

 

Elle creuse le sillon d’une œuvre exigeante, aride, qui n’hésite pas à plonger la tête la première dans des thématiques sombres et complexes. Face à cette jeunesse, les parents, et surtout les mères (il y a particulièrement peu de pères à l’écran) se heurtent à un mur d’incompréhension. Avec Home, elle illustre cruellement le désamour des mères, des mères ménagères, dépassées, dysfonctionnelles, incapables de trouver la juste distance de leur amour maternel.

 

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Dans les rôles des adolescents, on retrouve des comédiens débutants, Sebastian Van Dun, Loïc Bellemans, Mistral Guidotti, Lena Suijkerbuijk, tous époustouflants de justesse et de naturel, épaulés notamment par Karlijn Sileghem, Tom Audenaert, Natali Broods, Jeroen Perceval ou Jan Hammenecker dans des seconds rôles.

 

Comme en son temps Gus Van Sant avec Elephant, Fien Troch parvient à saisir dans Home cette période fugace et insaisissable qu’est l’adolescence, cet état qui ne se vit que dans le présent, nous en restituant des éclats furtifs et des humeurs vagabondes, affutant son regard pour graver sur grand écran avec justesse et empathie la réalité de ses adolescents, Lina, Kevin, John et Sammy.

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