Tonton René raconte les Magritte 2013

Qui aurait pu parier fin 2010 que nous serions là, ce 2 février 2013, à nous agiter, surexcités, en attendant la 3e cérémonie des Magritte?

Dès la première année, les organisateurs ont prouvé qu’ils pouvaient gérer un évènement de grande classe. L’année suivante, ils ont démontré que la fête avait sa raison d’être et le souffle pour braver les années. Cette troisième édition se devait de confirmer que le rendez-vous était désormais incontournable en nous offrant un feu d’artifice.

 

Première observation : le plateau est royal avec des films très différents qui représentent parfaitement tous les aspects de notre cinéma.

 

 

À l’issue du premier tour de vote qui s’est clôturé le 31 décembre à minuit, un premier coup de tonnerre résonne dans le ciel du cinéma belge : Patrick Ridremont se paie le luxe d’amasser 8 nominations avec Dead Man Talking. C’est le record de l’épreuve cette année.

Dans son sillage, ses trois principaux adversaires sont à l’affût avec sept citations chacun : Mobile Home de François Pirot, autre nouveau venu, 38 Témoins de Lucas Belvaux et celui qui s’impose aux yeux de nombreux observateurs comme le favori de la manifestation : À Perdre la Raison de Joachim Lafosse. 

Tous les atouts sont dans son jeu: réalisateur confirmé et talentueux en attente d’une grande reconnaissance nationale, un prix à Cannes, un succès public (à l’échelle belge francophone) et un sujet qui ne laisse personne indifférent.  Plus les qualités intrinsèques de l’œuvre, cela va de soi.

 

Ces quatre longs métrages qui font la course en tête trustent les nominations dans les catégories « meilleur film », « meilleur réalisateur », mais aussi « meilleur scénario ». C’est dire s’il y a unanimité.

 

 

Pour cette édition 2013, les organisateurs ont fait appel à un nouveau MC : Fabrizio Rongione lance la cérémonie sur des chapeaux de roue avec un ton singulier et un humour décapant. En dix minutes, le showman met tout le monde dans sa poche.

Mais c’est Yolande Moreau, madame la Présidente, qui déclare ouverte la fête. Un peu plus tard, elle viendra chercher le Magritte du meilleur second rôle féminin pour Camille Redouble.

 

 

Au rayon des satisfactions à épingler d’emblée, on notera les intermèdes des remettants formidablement bien intégrés à la soirée: Thomas Doret qui manque d’en venir aux mains avec son pote Fabrizio Rongione (pour rire), Abel et Gordon qui offrent un magnifique numéro de contorsionnistes, Adamo et sa guitare, l’humour de Stéphan De Groodt, de plus en plus efficace, la jubilatoire sortie de Charlie Dupont qui s’est fait un ami pour la vie, le charme fascinant d’Astrid Whettnall, d’Arta Dobroshi ou d’Erika Sainte…
Le coup des faux tweets sur l’écran qui rythment la soirée est aussi une vraie trouvaille.

 

DE SUPERBES LAURÉATS

 

Anne-Pascale Clairembourg pour Mobile Home et David Murgia, dans La tête la première, décrochent les deux premiers prix de la soirée, ceux des meilleurs espoirs. Ou la preuve que le théâtre belge recèle de formidables talents… dont peut profiter notre cinéma.

 

 

Le Magritte du meilleur scénario couronne Lucas Belvaux qui semble extrêmement ému. 38 témoins est aussi nommé dans la catégorie « meilleure adaptation » aux Césars.  Pour la meilleure image, c’est Hichame Alaouie qui est récompensé pour L’hiver dernier.

Le Magritte du meilleur montage revient à… Sophie Vercruysse, la fidèle monteuse de Joachim Lafosse.

 

 

Cette année, le Magritte d’honneur est remis à Costa Gavras qui salue sur scène son machino préféré, Yves Van der Smissen, par ailleurs, compagnon de Yolande Moreau, mais également Astrid Whettnall qui vient de tourner avec lui. Quelle classe, quelle élégance, quelle humilité. De la part d’un géant. Standing ovation méritée pour ce maître qui reste un exemple.

 

Le Magritte du meilleur son revient à Julie Brenta et Olivier Hespel pour L’Exercice de l’État qui avaient déjà raflé le César de la discipline un an plus tôt. Le film recevra aussi le Magritte de la meilleure coproduction tandis qu’Olivier Gourmet sera sacré meilleur acteur.

 

Dans la foulée, le Magritte de la musique est attribué à la horde (ils sont cinq) qui a signé la bande-son de Mobile Home. Là, on est dans la continuité de l’an dernier (victoire des Géants) avec une musique folk, légère et ensorcelante.

 

 

L’insatiable Bouli Lanners rafle le Magritte du meilleur acteur dans un second rôle. La star de l’an dernier est couronnée pour De Rouille et d’Os.

 

L’intro du Magritte du meilleur costume nous vaut un vibrant hommage à Hugues Dayez qui restera dans les annales. Un hommage très très décalé ; un morceau d’anthologie ponctué de fous rires hystériques, improvisé par un Charlie Dupont inspiré qui tape dans l’œil des organisateurs: deux ans plus tard, il deviendra le troisième maître de Cérémonie de l’histoire des Magritte.

Charlie remettra à Florence Laforge reçoit le Magritte pour Le Grand Soir juste avant qu’Alina Santos qui a signé les décors assez incroyables de Dead Man Talking, rapporte au film son seul Magritte de la soirée. On le comprendra : l’humeur n’est pas à l’euphorie dans le clan des vainqueurs du premier tour.

 

Dead Man Talking, comme A perdre la raison, sera pourtant nommé au César du meilleur film étranger (mais pas la même année). Mais ils ne remporteront rien à Paris, contrairement au Cri du Homard qui raflera un César du meilleur court métrage : un joli doublé pour Nicolas Guiot qui décroche aussi le Magritte de la discipline
Le thé et l’électricité de Jérome Lemaire remporte le Magritte du meilleur docu et Tot Altijd celui de la meilleure coprod avec la Flandre.

 

 

Le Magritte du meilleur réalisateur est un des grands rendez-vous de la soirée. Joachim Lafosse, un de nos metteurs en scène les plus dérangeants et les plus talentueux, semble assez troublé d’être couronné. Son film raflera pourtant aussi le Magritte du meilleur long métrage tandis qu’Émilie Dequenne (sans la moindre surprise) hérite de celui de la meilleure actrice de l’année. Trois beaux trophées supplémentaires pour A perdre la raison.

 

Aucun palmarès ne fera jamais l’unanimité. Pourtant, ici, non seulement les favoris ont gagné, mais aucun film majeur n’est reparti bredouille. Consensus à la belge? Pas du tout. Il s’agit (ne l’oublions jamais) du résultat d’un vote individuel et secret, pas d’une négociation.

 

 

Deux heures trente de spectacle, cinq heures de fête informelle, une vingtaine de trophées, un peu plus de mille convives sur place et au moins 1500 pour la réception qui a suivi, du rire (beaucoup), grinçant (parfois), des flashs, des acteurs récompensés et d’autres qui ne le furent pas, mais qui firent la fête avec tout le monde, des réalisateurs et des producteurs un peu tendus. Si on ne parle pas ici de réussite, on ne le fera jamais.

D’autant que l’édition 2013 des Magritte n’est pas encore (tout à fait) terminée.
Non, non, non

 

 

1ER MAGRITTE DU PREMIER FILM

 

En marge des Magritte, l’Académie André Delvaux a décidé de créer une récompense supplémentaire : un Magritte du premier film ! Les votes pour ce prix démarrent après la cérémonie et le trophée sera remis… au Festival de Cannes : ici, c’est le public qui élit le lauréat via internet.

 

 

L’idée est de mettre en valeur tous les premiers films et les nouveaux artistes qui les ont réalisés. Pour réussir ce pari osé, l’Académie André Delvaux collabore avec la Quadrature du Cercle, une association des programmateurs de cinéma qui diffusera ces longs métrages dans un large réseau de centres culturels en Wallonie et à Bruxelles.

 

À l’issue des votes, l’Académie André Delvaux livrera le titre des trois films qui ont terminé en tête des suffrages : Dead Man Talking de Patrick Ridremont, Mobile Home de François Pirot et Torpedo de Matthieu Donck. Un magnifique trio qui mériterait presque d’être couronné de concert. D’autant que ces trois films ont attiré, chacun, entre 10 et 15.000 spectateurs. De quoi faire saliver tous les premiers longs métrages en course cette année.

 

Pour cette première édition 3073 votes ont été enregistrés sur le site de l’Académie : une bien jolie performance.

 

 

À Cannes lors de la fête des Belges, c’est Joachim Lafosse, grand vainqueur de l’édition 2013 qui remettra le dernier Magritte à… Dead man talking, représenté sur place par ses producteurs Serge de Poucques et Sylvain Goldberg (Nexus factory) accompagnés de Pauline Burlet, présente à Cannes avec l’équipe du Passé.

De quoi apaiser un peu la frustration de n’avoir pas été récompensé par les professionnels? Dans tous les cas, le prix sied magnifiquement à Dead man Talking champion 2012/2013 des prix du public récoltés en festivals. À ce niveau-là de popularité, on ne peut plus parler de hasard.

 

 

Patrick Ridremont, retenu au théâtre n’a pas fait le déplacement, mais il aura une ultime satisfaction avec son film une dizaine de mois plus tard quand on apprendra qu’il est retenu pour le César du meilleur film étranger.
Une formidable distinction qui fera néanmoins écrire à un journaliste : « Le cocardier qui sommeille en tout cinéphile belge peut se féliciter de cette nomination surprise pour un produit de notre bon vieux terroir. Reste que cette nomination, qui jette le discrédit sur les Césars est totalement incompréhensible face à un tel parterre de talents. »
Avec de si merveilleux amis, pas besoin d’ennemis, c’est certain.

De quoi animer la descente des marches de l’édition 2014 des Magritte (photo ci-dessus) puisque cet article polémique sera publié le matin même de la cérémonie, le samedi 1er février.

Chauds les marrons, chauds !

 

LE PALMARÈS

MEILLEUR FILM :  À perdre la raison de Joachim Lafosse (Versus)

MEILLEUR RÉALISATEUR : Joachim Lafosse pour A perdre la raison

MEILLEURE ACTRICE : Emilie Dequenne pour A perdre la raison

MEILLEUR ACTEUR : Olivier Gourmet pour L’Exercice de l’État

MEILLEUR SCÉNARIO : Lucas Belvaux pour 38 témoins

MEILLEUR FILM ÉTRANGER EN COPRODUCTION : L’Exercice de l’État de Pierre Schoeller (Les Films du Fleuve)

MEILLEUR FILM FLAMAND EN COPRODUCTION : À tout jamais – Tot altijd de Nic Balthazar (Entre Chien et Loup)

MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE : Yolande Moreau dans Camille redouble

MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE : Bouli Lanners dans De rouille et d’os

MEILLEUR ESPOIR FÉMININ : Anne-Pascale Clairembourg dans Mobile Home

MEILLEUR ESPOIR MASCULIN : David Murgia dans la tête la première

MEILLEURE IMAGE : Hichame Alaouie pour L’hiver dernier

MEILLEURS DÉCORS : Alina Santos pour  Dead man talking

MEILLEURS COSTUMES : Florence Laforge pour Le grand soir

MEILLEUR SON : Julie Brenta et Olivier Hespel pour L’Exercice de l’État

MEILLEUR MONTAGE : Sophie Vercruysse pour a perdre la raison

MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE : Coyote, Renaud Mayeur, François Petit et Michaël de Zanet pour Mobile Home

MEILLEUR COURT-MÉTRAGE : Le cri du homard de Nicolas Guiot (produit par Ultime Razzia Productions)

MEILLEUR LONG-MÉTRAGE DOCUMENTAIRE : Le thé ou l’électricité de Jérôme le Maire (produit par Iota Production)

MAGRITTE DU PREMIER FILM : Dead man talking de Patrick Ridremont

 

 

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