La Trêve : les cinq atouts d’une série immanquable

Tous les dimanches, à 20h50, la RTBF va diffuser deux épisodes de La Trêve. Pendant cinq semaines donc. Grâce au matraquage promotionnel très efficace et pertinent, vous devez le savoir à présent : il s’agit d’une série belge (francophone), un infernal thriller qui se déroule dans un petit village gaumais où le corps d’un jeune footballeur black a été retrouvé sans vie dans la Semois.

Nous vous avons déjà parlé de cette réussite en nous basant sur les deux premiers épisodes diffusés sur grand écran au Bozar, fin 2015 (lire ICI). Depuis lors, tous ceux qui disposent de Proximus TV et sont abonnés à Movies & Series Pass ont pu découvrir en exclusivité cette série disponible en exclusivité chez l’opérateur.

 

Aujourd’hui, nous pouvons donc vous entretenir en toute connaissance de cause de ce projet enthousiasmant qui va faire date, non seulement dans l’histoire des séries belges, mais tout simplement dans l’histoire des séries télévisées.

 

 

Pour préserver votre plaisir, nous ne détaillerons pas le pitch au-delà de ce qui a déjà été écrit dans l’autre article. Déguster La Trêve en se laissant mener par le bout du nez par le génie (si, si) des scénaristes est une joie incommensurable que nous serions gueux de vous gâcher.

Chaque semaine nous reviendrons pourtant sur certains aspects de cette réussite majeure. Histoire que vous ne passiez pas à côté, car ce serait un gros gâchis.
Notez d’ailleurs que si vous vous sentez à l’étroit sur le petit écran, vous pouvez carrément aller déguster la série, chaque dimanche soir sur le grand : le cinéma Aventure de Bruxelles diffusera les épisodes en même temps que la RTBF. Vous remarquerez alors que le réalisateur a relevé le défi essentiel qu’il s’était imposé : faire de cette série un authentique film de cinéma… de 500 minutes.

 

 

Évidemment, le dimanche soir, vous avez sans doute mille et une choses à faire, mais si vous aimez le suspense, la tension, si vous avez envie d’avoir les nerfs en pelote et de pleurer toutes les larmes de votre corps (on y reviendra en temps utile), vous n’avez probablement pas de meilleur rendez-vous à honorer. Notre conseil est simple : laissez-vous tenter, vous ne devriez pas décrocher.

 

Pour tenter de vous convaincre de vous plonger avec délice dans La Trêve, voici cinq des raisons les plus évidentes qui nous viennent immédiatement à l’esprit. Il y en a des tas d’autres, mais c’est un début.

 

 

  1. Le scénario est classique, mais exceptionnellement construit

 

Dans les deux premiers épisodes, vous aurez un peu l’impression d’être en territoire connu. Si vous avez aimé Broadchurch ou la première saison de la série The Killing (version originale danoise ou remake américain), quelques analogies risquent de vous sauter aux yeux. Mais si La Trêve (comme la plupart des séries du monde à part peut-être les séries HBO comme Les Sopranos, Treme, The Wire ou Six feet Under) évoque d’autres références, la maîtrise de la narration durant les dix épisodes frôle l’insolence.

 

La Trêve a été écrite par trois jeunes talents hors normes : Stéphane Bergmans, Benjamin d’Aoust et Matthieu Donck. Comme c’est la coutume pour ce type de série, ils multiplient les fausse-pistes et les chausse-trappes, mais ils le font avec une pertinence et une fluidité incroyables. Si on rebondit sans cesse d’une certitude à l’autre, c’est en toute logique, en suivant un fil tranchant qui ne se dénoue jamais, en se disant « mais oui, c’est bien sûr comment n’y avais-je pas pensé ». Pas de hasard qui déboule, pas de déduction abracadabrantesque : l’intrigue est millimétrée et tous les éléments sont en notre possession. À nous d’en faire bon usage.

 

Pour décupler l’efficacité du fil principal, les scénaristes ont aussi prévu une ligne narrative parallèle qui intensifie le côté dramatique de la série. La façon dont les deux niveaux de récit vont finalement se rejoindre est assez inhabituelle, boostant encore le plaisir global qu’on prend à tenter de dénouer l’écheveau.

 

 

  1. Les personnages sont d’une richesse inédite

 

Comme dans la plupart des séries, La Trêve repose sur quelques personnages principaux : Yoann Peeters le flic interprété par Yoann Blanc est évidemment le pivot de la série et la référence du spectateur, mais….

 

Mais la série se paie surtout le luxe de donner corps à des dizaines d’autres personnages, riches, singuliers, avec leurs fêlures, leurs secrets (et quels secrets !), leur mystère, leurs qualités, leurs défauts, leurs faiblesses, leurs excuses… Si l’intensité de la série grimpe au fil des épisodes (pour culminer à un niveau rarissime pour un final d’anthologie), c’est justement parce que les spectateurs auront appris à connaître et souvent à aimer les différents protagonistes qui la traversent.

 

 

 

  1. La tension ne se relâche jamais, le rythme est intense.

 

Après la vision des deux premiers épisodes, Matthieu Donck nous avait dit qu’il s’agissait sans doute des moins forts de la série. On avait peine à le croire. Et pourtant, le jeune réalisateur a raison. En fait, chacun des épisodes est meilleur que le précédent, jamais l’attention ne se relâche, simplement parce que le rythme impulsé par la narration, le réalisateur et les monteurs (deux chefs monteurs, trois monteurs qui ont fait un boulot dantesque), est formidablement hypnotique.

 

Contrairement à ce qu’on aurait pu craindre d’une série au budget serré, les plans sont courts, variés, les séquences sont brèves, s’entrechoquent, nous laissent en plan, constamment haletant avec l’envie d’en voir et d’en savoir plus. Globalement, alors que les modèles avoués de l’équipe sont les séries flamandes et scandinaves, La Trêve est plus rythmée et bien moins bavarde que d’autres réussites comme Occupied, Borgen, Salamander ou The Killing. Ceux qui connaissent et aiment ces références apprécieront. Seul l’exceptionnel Bron/Boen tient la comparaison.

 

 

  1. L’interprétation est d’un niveau… comment dire…

 

Il est difficile de juger les prestations des acteurs des séries étrangères, encore plus, vous l’admettrez, quand elles sont doublées en français. Si on prend les meilleures séries françaises, on a déjà un meilleur point de comparaison. Et parfois, hélas, tout n’apparaît pas entièrement convaincant. On a de temps en temps l’impression que des acteurs secondaires ont été moins coachés, qu’ils sont un peu moins pertinents. Dans La trêve, la cinquantaine de comédiens qui traversent l’écran sont d’une justesse confondante. Comme s’ils avaient la sensation pressante de jouer le rôle de leur vie. Avec leurs tripes sur la table.

 

Si les personnages sont si touchants ou effrayants (voir point 2), c’est bien sûr parce que ceux qui les incarnent sont formidables, mais il faut également noter la justesse (et l’audace) du casting et la direction d’acteurs de Matthieu Donck qui confiait à Cathy Immelen dans Tellement Ciné que les moyens techniques peu imposants lui avaient permis de se concentrer à fond sur son travail avec les comédiens. Bingo !

 

Croyez-nous : vous ne considérerez plus jamais les acteurs ici présents du même œil. C’est bien simple : vous ne verrez plus jamais le cinéma belge du même œil.

 

 

  1. Yoann Blanc

 

Si tous les acteurs sont dignes d’éloges (mais vraiment !), il nous faut néanmoins accorder une place toute particulière à Yoann Blanc.

 

Qui, au sein du grand public, connaissait ce jeune homme, il y a six mois ? Les amateurs de théâtre avaient déjà noté son nom. Mais des planches à l’écran, le décalage est parfois très grand. Quelques cinéphiles avertis l’avaient remarqué dans des rôles secondaires ou dans des courts métrages.
La prestation que l’acteur belgo-franco-suisse nous offre ici est tout simplement incroyable. Au fil du récit, il devient, le pivot de l’intrigue, sa personnalité évolue, ses réactions changent. Il nous captive, il catalyse notre émotion et nos angoisses.

 

 

La Trêve est l’histoire d’une enquête complexe, mais c’est aussi l’itinéraire d’un homme qui perd pied. Tout le long, Yoann nous empoigne sans chercher à nous séduire. Il commet des erreurs, maîtrise mal ses colères, mais plus il s’enfonce et plus on l’accompagne, impuissant, vers le fond du précipice.

 

Le hasard fait que ce comédien exceptionnel est aussi l’acteur principal d’Un homme à la mer, deuxième long métrage intimiste de Géraldine Doignon dont nous sommes tombés éperdument amoureux lors de sa première belge au Be Film festival (on en reparle vite). 2016 sera son année. Ou ne sera pas.

 

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