5mn avec David Murgia

On a  rencontré le comédien David Murgia, à l’affiche du prochain film de Nabil Ben Yadir, Dode Hoek. Présélectionné aux César dans la catégorie Meilleur Espoir, et nommé aux Magritte dans la catégorie Meilleur second rôle pour Les Premiers les Derniers, il s’apprête à remonter sur scène au lendemain de la sortie de Dode Hoek pour Laïka, son nouveau spectacle créé avec l’auteur italien Ascanio Celestini au Théâtre National.

 

 

On ne peut pas dire grand chose de votre participation à Dode Hoek sans risquer d’en déflorer le suspense, mais on peut dire que l’on ne s’attendait pas forcément à vous retrouver dans un film d’action!

C’était effectivement une première. A la lecture du scénario, j’ai découvert quelque chose que je n’ai pas l’habitude de voir, un film qui ne s’arrête jamais, sans temps mort. Je me disais: mais où est-ce que ça va respirer? Lors de la première projection, c’est ça que j’ai vu, un film qui avance très, très vite! Mais au final, quand tu joues, tu ne te demandes pas si tu es dans un film d’action ou un film d’amour », tu essaies juste d’être sincère. Après, c’est la patte du réalisateur qui induit le genre du film…

 

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Avec Soufiane Chilah dans « Dode Hoek/ Angle Mort »

 

Nabil Ben Yadir explique qu’enfant, il a été nourri par les films de Bruce Willis ou Sylvester Stallone vus à la télé ou empruntés au vidéoclub. Quels sont les films qui ont nourri le jeune David Murgia?

Moi j’étais plutôt obsédé par E.T.Retour vers le futur. Retour vers le futur, je le regardais en boucle, les trois épisodes à la suite. Nabil Ben Yadir, ça se voit que c’est un enfant de ces films-là, cet univers des vidéoclubs. Et il utilise ça avec aisance et talent pour en faire quelque chose de très actuel, et de très personnel.

 

Un point commun entre tous vos personnages, c’est que ce sont souvent eux qui font dérailler le récit par leurs failles, que ce soit dans Dode Hoek, Les Premiers les Derniers, Rundskop ou même La Tête la Première?

C’est vrai que je joue rarement des personnages conformistes pour l’instant. J’espère pouvoir m’en rapprocher plus. Je dirais surtout pour l’instant que ce que mes personnages ont comme point commun quelque chose d’excessif. Toxicomanie, handicap mental, folie. C’est assez compliqué, car j’ai peu de référents par rapport à ces excès de haine, ces comportements. L’essentiel de mon travail, c’est de comprendre ce qui a été écrit par l’auteur finalement. Même si ça n’enlève rien de ma partie de fantasme à moi, il faut la faire converger avec le fantasme de l’auteur.

 

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Avec Aurore Broutin dans « Les Premiers les Derniers »

 

Vous travaillez surtout au théâtre, comment vous vivez ces deux aspects de votre travail?

Pour moi ce sont vraiment deux métiers différents. Ils se ressemblent fort, mais c’est comme si j’étais à la fois menuisier et ferronnier, que j’avais un atelier de bois et un atelier de métal. Pour faire du théâtre et du cinéma, on n’utilise pas les mêmes outils, pas les mêmes compétences. Le rapport au temps surtout est très différent. En plus au théâtre, je suis aussi créateur en plus d’être comédien, alors qu’au cinéma pour l’instant je ne suis qu’interprète, je participe aux films des autres. Au théâtre, je porte les projets auxquels je participe. Mais l’évidence, c’est que j’ai beaucoup de chance de faire les deux de fronts. Ce sont comme deux poumons, et l’un ferait respirer l’autre.

J’ai des fantasmes qui naissent par rapport à l’utilisation de l’image. Est-ce que c’est du cinéma, écrire un scénario, faire un film? En tous cas, la photographie, l’image, c’est aussi un moyen de raconter une histoire. Je ne considère pas que je suis un acteur de cinéma ou de théâtre, je considère que je prends beaucoup de plaisir à raconter des histoires, et le potentiel qu’elles ont à atteindre les autres. Les mécanismes de la narration, m’intéressent beaucoup, je m’intéresse à tous les formats pour raconter des histoires, et je me dis que tout peut arriver.

 

Vous êtes reconnu pour votre engagement citoyen… Comment est-ce que cela nourrit votre art?

Quand je reçois le même jour une invitation aux César, et une convocation à l’ONEM, ça me permet d’illustrer les absurdités flagrantes du système. Cette machine ne comprend rien, elle n’a pour mission que d’activer les gens, et elle n’a aucune sensibilité, et aucune capacité à d’adapter. Bon, comme j’ai une grande capacité à me disperser, j’essaie quand même de me concentrer sur mon métier et ma création. Là je travaille sur Laïka, dont la première a lieu le 27 janvier, donc j’y vais piano piano.

Comme je le disais tout à l’heure, je me sens plus raconteur d’histoires qu’acteur de théâtre ou de cinéma. En fait, raconter des histoires à des gens, c’est contredire la grande histoire, l’histoire dominante, avec un peu de poésie, d’humour ou de violence. En racontant d’autres petites histoires, on offre l’opportunité de rêver à des changements possibles.

 

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Dans « Discours à la nation »

 

Quels sont vos projets?

La première de ma pièce Laïka a lieu le 27 janvier prochain. C’est la suite de ma collaboration avec l’auteur italien Ascanio Celestini, auteur, acteur, sociologue, anthropologue, cinéaste aussi, romancier. Dans Discours à la nation, c’était surtout des puissants qui parlaient, des hommes politiques, des financiers, des grands patrons, des scientifiques, des gens qui possèdent le langage dominant, qui s’exprimaient pour essayer de convaincre les foules. On y traitait des mécanismes de domination qui existent aujourd’hui dans notre société. Dans Laïka, on change de point de vue, on part d’en dessous, on est en périphérie, en banlieue urbaine et humaine. Les personnages qui se croisent sont des gens qui sont à l’écart, la dernière couche de la société. C’est eux qui sont racontés dans Laïka, un clochard, une prostituée, un manutentionnaire, un pique de grève. Quant au cinéma, il attendra les pauses de la tournée!

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