Ennemi public : votre nouvelle drogue dure du dimanche soir

Imaginées pour amener progressivement le grand public à s’immerger dans un océan inconnu, les séries produites par la RTBF et la Fédération Wallonie-Bruxelles entrent déjà dans leur deuxième phase de fidélisation : dimanche, débutera la diffusion des dix épisodes d’Ennemi Public.
Cet océan inconnu qui, jusqu’ici, semblait un peu effrayer les spectateurs moins cinéphiles, c’est bien sûr le cinéma belge, considéré au sens très large du terme : son univers, ses réalisateurs, ses scénaristes, ses comédiens…
Autant de noms et de visages peu familiers des spectateurs plus enclins à se laisser séduire sur le petit écran par des émissions populaires, des films qui ont fait leurs preuves sur le grand écran et des séries américaines.
Rien de péjoratif dans ce constat : on ne peut être attiré que par ce que l’on connaît et malgré notre travail de fond et celui d’autres médias très attentifs au cinéma belge, malgré le volontarisme du Centre du cinéma, la distance qui sépare la plupart de nos comédiens de la reconnaissance populaire est encore longue.

D’où le défi de ces séries récurrentes diffusées sur la Une à une heure de grande écoute.

 

 

On ne va pas revenir trop longtemps sur le triomphe de La trêve, première série tournée et programmée dans ce précieux créneau du dimanche soir. Globalement (VOD et replay compris), ce sont près de 500.000 spectateurs qui ont suivi les pérégrinations de l’inspecteur Peeters.

Cette réussite tient, bien sûr, à la qualité de la série, à sa maîtrise technique, à sa narration inquiétante et à son interprétation sans faille.

À charge pour les séries à venir de conserver ce niveau. La barre est placée (très) haut !

 

Malgré quelques ressemblances, sur le papier en tous cas, Ennemi Public comptera plutôt sur sa singularité pour perpétuer le succès et installer chez les spectateurs une habitude et une envie de retrouver, semaine après semaine, de nouveaux protagonistes dans des décors connus, avec des références de chez nous.

 

 

Passons rapidement sur les ressemblances initiales entre les séries : elles se déroulent toutes les deux dans des paysages ruraux et boisés, mettent en scène un policier (une femme ici) venu de la capitale avec des problèmes psychologiques assez évidents qui va se retrouver obligé d’enquêter sur un meurtre. Une intrigue secondaire fait état d’un projet « industriel » destiné à augmenter l’attrait de la région. La bande-annonce fort alléchante montre que des plans larges envoûtants ont été filmés grâce à un drone ce qui était également une des particularités esthétiques de La trêve.

Ha oui, et certains personnages secondaires ont aussi un accent flamand prononcé, mais ça va, n’est-ce pas ? On ne va plus en faire un fromage, si ?
Voilà pour les divers éléments qui pourraient donner d’emblée une impression de familiarité.
Pour le reste, les enjeux, le rythme, le ton même semblent assez différents. Le pitch itou.

 

Assassin d’enfants libéré en conditionnelle, Guy Béranger est accueilli par les moines de l’abbaye de Vielsart, un tranquille petit village des Ardennes. Il est placé sous la protection de Chloé Muller, une jeune inspectrice de la police fédérale, persuadée que, tôt ou tard, l’ancien criminel récidivera. Alors que la population s’indigne de la présence de l’ennemi public n°1 dans leur voisinage, la police apprend la disparition inquiétante d’une fillette du village… Puis sa mort.

 

 

Malgré l’argument de base qui évoque évidemment l’arrivée de Michèle Martin à Malonne et la réaction des habitants, couplée à la mort d’un enfant, les deux épisodes que nous avons pu voir jusqu’ici semblent bizarrement moins sombres, moins dérangeants que ceux de La Trêve. Plus adaptées au grand public qui fréquente la RTBF le dimanche à 21h ? Sans doute.
L’arrivée d’une directrice de collection française, venue de France Télévision, qui n’avait pas œuvré sur La trêve explique peut-être ce léger radoucissement de ton. Qui n’est peut-être que passager, comme cela se murmure dans les milieux autorisés.
Comme les plus curieux d’entre vous, nous n’avons encore vu à ce stade que deux épisodes diffusés sur grand écran lors d’une soirée de présentation spéciale à Bozar. Difficile donc d’extrapoler à partir de si peu.

 

Aux côtés de la comédienne et chanteuse belgo-suisse Stéphanie Blanchoud qui hérite ici du rôle principal, on retrouve avec plaisir dans la série deux acteurs pas assez présents à notre goût sur les écrans : Jean-Jacques Rausin (on vous conseille vraiment je me tue à le dire qui sort la semaine prochaine au cinéma et dans lequel cet incroyable acteur livre une prestation mémorable) et Clément Manuel (vu notamment à la télévision dans Ainsi soient-ils et Falco).

Parmi les autres comédiens aperçus jusqu’ici, on pointera Laura Sépul, Daniel Hanssens, Philippe Jeusette, Pili Groyne, Jean-Claude Dubiez, Vincent Londez…
Oui, la série sera vraiment l’occasion de (re)découvrir des visages appelés à devenir familiers.

 

 

Sans oublier, bien sûr, Angelo Bison, pierre angulaire du récit qui nous a d’emblée beaucoup impressionnés au point de ne pas être du tout surpris par le prix d’interprétation qu’il vient tout juste de décrocher au festival parisien Séries Mania.
Figure de proue du théâtre belge depuis plus de 35 ans, Angelo Bison incarne ici l’infâme Guy Beranger qui semble vouloir embrasser la religion après avoir purgé de longues années de prison pour des meurtres d’enfants répugnants.

Son charisme placide, son visage impassible, son regard d’acier troublent d’emblée d’autant que le choix de porter pendant cinq semaines un personnage aussi lourd, s’il sera forcément apprécié des vrais aficionados, risque de perturber les moins lucides d’entre les spectateurs.
Mais ce n’est que du cinéma. Rien que du cinéma !

 

Le scénario de la série est signé par cinq jeunes auteurs : Gilles de Voghel, Christopher Yates, Fred Castadot, Antoine Bours et Matthieu Frances, qui s’occupe également de la mise en scène avec Gary Seghers. La photographie est à mettre au crédit de Philippe Thérasse qui a travaillé sur quelques-unes des premières capsules de Cinevox (c’est dire si on l’aime bien).

Pour vous allécher davantage, précisons encore que la musique du générique est l’œuvre de Lionel Vancauwenberghe, figure de proue de Girls In Hawaii, avec une chanson accrocheuse qui devrait faire aussi bien sans les charts que le sublime et très planant « The Man Who Owns The Place » de Balthazar qui ouvrait La Trêve.

 

 

Pour découvrir les deux premiers épisodes de la série qui va nous accompagner jusqu’au début du mois de juin (jusqu’au démarrage de l’Euro de football), rendez-vous dimanche soir sur la Une sur le coup de 20h50… ou à l’UGC Toison d’or qui diffusera Ennemi Public en même temps que la RTBF.

Parce que, on le répète suffisamment depuis cinq ans maintenant, le cinéma (ou les séries) sur grand écran, c’est quand même autre chose…

 

 

 

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