Erika Sainte: « J’aime la réciprocité du duo que je forme avec Olivier Marchal »

Erika Sainte © Philippe LE ROUX - STORIA TELEVISION - FTV

Rencontre avec la comédienne belge Erika Sainte, à l’affiche de la troisième saison des Rivières Pourpres, dont la diffusion débute lundi soir sur France 2.

C’est en 2011 que l’on découvre Erika Sainte dans Elle ne pleure pas elle chante de Philippe de Pierpont, où elle interprète Laura, mêlant force et fragilité dans le long métrage bouleversant traitant de la question de l’inceste. Elle remporte d’ailleurs le Magritte du Meilleur espoir féminin pour sa performance. On la verra ensuite au cinéma notamment dans Bxl-USA, Moonwalkers, Jeune femme ou Le Grand Bain, ou encore Je suis resté dans les bois, qu’elle co-écrit et co-réalise avec Vincent Solheid et Michaël Bier, mais aussi à la télévision dans Baron Noir et donc, Les Rivières Pourpres, pour lesquelles elles endossent le costume de Camille Delaunay début 2018. Elles nous en dit un peu plus à ce sujet…

Les Rivières Pourpres se présentent comme une série policière à l’atmosphère très particulière. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son univers?

C’est un univers très, très noir, où l’on frôle les limites de la psyché humaine. La série flirte avec le fantastique. Les meurtriers font des choses impensables, qui dépassent les limites de la raison. Les scénaristes vont très loin pour fouiller l’âme humaine. Des choses très intimes, et très noires.

On touche souvent l’inconscient, on déterre des secrets.

Ce qui est très intéressant, c’est que les enquêteurs font souvent incursion dans des communautés très fermées, s’immiscent dans des cercles obscurs. On observe comment au sein d’une communauté, quand on ne regarde plus le monde extérieur, on peut en arriver à des situations extrêmes.

Pouvez-vous nous parler de la relation qui unit Camille Delaunay et Niemans (Olivier Marchal), les deux enquêteurs? Fait rare à la télévision en prime time, il n’y a pas de tension amoureuse entre eux…

Oui, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai eu envie de participer aux Rivières Pourpres. Dès le début on nous a assuré que non, ce duo n’allait pas tomber amoureux, non, il n’y aurait pas de rivalité destructrice entre eux. Ce sont deux êtres seuls, qui partagent la même solitude. Ils sont indissociables, s’aiment d’un amour infini, mais non charnel, même s’ils sont incapables de se le dire.

Niemans est la raison pour laquelle Camille est flic. Il l’a sauvée, l’a sortie de beaucoup d’emmerdes. Et Camille est la raison pour laquelle Niemans continue à se lever le matin. Il y a une belle réciprocité dans ce duo, que je trouve intéressante, qui n’est pas une opposition de l’ordre féminin/ masculin, mais une vraie égalité, chacun avec ses forces et ses faiblesses.

© Philippe LE ROUX – STORIA TELEVISION – FTV

Une égalité d’autant plus intéressante que bien que Camille et Niemans appartiennent à deux générations différentes, le savoir et l’attention transitent de l’un à l’autre.

Oui, et la force émotionnelle, la force mentale est parfois du côté de Camille, parfois de celui de Niemans, il y a une confiance absolue. Même si dans cette troisième saison, on joue sur cette confiance, les choses que l’on se cache, les secrets. J’aime vraiment beaucoup ce duo.

Comment avez-vous imaginée Camille quand vous avez créé le personnage?

Camille à la base était moins écrite, puisque contrairement à Niemans, elle nexistait pas dans le roman de Jean-Christophe Grangé. Il y avait tout un univers à inventer en creux de Niemans. Le premier réalisateur avec lequel nous avons travaillé a vraiment creusé le fait que Niemans est là avec son âge, son expérience, quand on arrive quelque part, c’est à lui qu’on s’adresse, parce que c’est un homme, parce qu’il est plus vieux. Et donc Camille est en retrait, elle observe. Elle est taiseuse, mais voit ce que les autres ne voient pas. Je l’ai construite comme ça, dans l’observation, non pas qu’elle accepte ce monde machiste, mais plutôt qu’elle l’utilise, en se rendant presque invisible. Elle est petite, elle est jeune, du coup on ne se méfie pas d’elle. Camille ne peut pas rivaliser sur l’expérience, la taille, l’âge, mais elle a d’autres armes. J’avais donc beaucoup de place à investir en fait!

Quel type de préparation avez-vous dû faire pour incarner une policière, c’est particulier?

C’est vraiment très éloigné de moi, donc très particulier. Pour la saison 1, je me suis entraînée avec un cascadeur. Pour apprendre à tenir une arme, la monter, la démonter, apprendre à marcher, savoir où l’on regarde. Et puis j’avais à mes côtés Olivier Marchal, qui a été flic. Ca voulait dire que je pouvais me fier à lui et à sa vérité. On avait quelqu’un qui savait comment on défonce une porte, comment on mène une perquisition.

© G. CHEKAIBAN – STORIA TELEVISON

Comment s’est nouée la relation de travail avec Olivier Marchal?

Je l’ai rencontré lors des essais. Lui était déjà casté pour le personnage de Niemans, et je crois que ça a pris deux secondes pour qu’on se marre ensemble. On a tout de suite senti qu’on allait s’entendre comme cul et chemise. Et c’est ça qui donne de l’épaisseur aussi à la relation entre Camille et Niemans, la vérité de notre duo, des sentiments qui l’animent. On ne joue pas sur la séduction, on est là l’un pour l’autre, on se soutient. C’est quelqu’un que j’admire, sur le plateau et humainement.

Qu’est-ce que ça fait pour vous de retrouver Camille, tous les ans?

Ce qui est assez étrange pour moi dans Les Rivières Pourpres, c’est qu’à chaque fois, je retrouve Olivier, par contre, on croise beaucoup de réalisateurs différents. De fait, ce que j’aime dans cette situation, et ce qui me permet aussi de ne pas me lasser, c’est de réussir à trouver la singularité que chaque réalisateur voudrait donner à Camille, sans trahir le personnage. Je dois donc éclairer Camille d’une manière différente, tout en essayant de la respecter. Parfois elle est un peu plus fragile, parfois un peu plus femme, ou un peu plus dure.

@Magritte du Cinéma 2012 / Imagellan

Quel souvenir gardez-vous du Magritte du Meilleur espoir reçu en 2012 pour Elle ne pleure pas elle chante?

En fait je ne me souviens pas très bien du moment où j’ai reçu le prix, j’étais très émue, et très stressée. Mais j’étais très contente de le recevoir pour ce film, qui était très important, qui parlait d’inceste, et que Philippe de Pierpont avait eu du mal à tourner. A l’époque, la parole était beaucoup moins libéré que depuis quelques mois sur le sujet. C’était un moyen de mettre en lumière le film, et c’est ça que je retiens. On voyait les retours des spectateurs, les retours des associations, et j’étais vraiment très touchée.

On retient depuis que votre carrière s’est épanouie en de nombreux endroits, cinéma, théâtre, télévision, qu’est-ce qui vous meut quand vous choisissez vos projets?

Justement, je pense que c’est la diversité. J’adore ce métier parce que je ne m’enferme pas dans quelque chose. J’ai réfléchi longuement avant de me lancer dans Les Rivières Pourpres justement, parce que j’aime changer, j’adore les rencontres inattendues. Quand je tournais la saison 2, la journée, j’étais dans un faux camp de migrants avec une grosse veste, et le soir, j’étais sur scène en talons de 12 et en petite culotte pour La Vénus à la fourrure.

J’adore cette recherche incessante, les projets un peu fragiles parfois. Je choisis souvent les projets pour leur sujet, ce dont ils parlent plus que à qui ils parlent, et combien de personnes vont le voir. Je suis attachée à la pertinence du propos, il faut que j’ai envie de le défendre.

Quels sont vos projets, avez-vous de nouvelle envies d’écriture ou de réalisation après Je suis resté dans les bois?

Je viens de m’engager sur un projet de réalisation de clip pour la chanteuse Raphaële Germser. Je reviens à la réalisation, j’en suis ravie. Pour les films, ça plane au dessus de moi, j’ai envie de l’attraper quand ce sera le bon moment. Tant que je n’ai pas l’urgence vitale de raconter une histoire et de la réaliser, j’attends.

J’ai également un projet théâtral avec Michaël Bier, mais qui est sans cesse reporté depuis quelques mois, avec les fermetures asphyxiantes des lieux culturels. J’ai appris hier que c’était décalé à 2023!

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