Et vous Aurélien Caeyman, vous faites quoi pendant le confinement?

On a demandé à Aurélien Caeyman, jeune comédien découvert par beaucoup dans la saison 2 de La Trêve, dont il était le héros, actuellement à l’affiche de la série française Netflix Vampires, ce qu’il faisait pendant  le confinement…

Le confinement pour un jeune adulte sans enfants c’est un peu comme une période de chômage en plein hiver non? Une sorte de liberté forcée qui a un fort arrière goût de manque de moyens, de privation de droits, mais une liberté quand même… Alors on prend son mal en patience, il est là ce temps, en perspective il n’y a que lui d’ailleurs et pour ne pas le voir on regarde de moins en moins le téléphone, vous avez remarqué?

Nous (car nous sommes deux) on vient d’entamer la seconde saison de Twin Peaks, la première nous a bien pris une semaine parce qu’on était fort occupés à ne rien faire, à se coucher dans ce coin de soleil qui apparait de 14h30 à 16H00 sur le sol de l’appartement, à espionner nos voisins, à cuisiner, apéroter, se laisser aller, se reprendre, voyager en paroles, en souvenirs, en projets, en chansons! On a karaoké et puis on est restés en silence, imprégnés de thé vert et de friandises, on a repeint l’armoire parce qu’on avait déjà de la peinture, la chance! On a pris pour nous les espaces vides des rues de Bruxelles, grappillé son soleil nouveau et son air qui a un parfum de campagne en ce moment. On s’est frités puis on s’est saucés, on s’est enroulés et déroulés, elle est partie chercher du pain et on s’est manqués alors on a fait une fête à son retour.

Parfois seul dans le salon, le sommeil qui ne vient pas ou réveillé à l’aube j’ai joué au backgammon en ligne, comme avant j’ai zappé les vidéos Youtube avec dans l’estomac une clope froide, comme à cette époque où cloîtré par l’hiver j’attendais un signe de l’Onem, cette bête noire. Depuis plusieurs semaines à présent, autant le dire comme ça je me sens assis dans mon confort et ce sont presque des vacances, une méditation, ce confort était là mais je ne l’avais pas vu et à présent j’en profite, Antigone de Henri Bauchau traine entrouvert sur la table du salon et je prends le luxe de le laisser mûrir en regardant le ciel, en souriant même de cette ironie qui fait que personne ne semble avoir besoin d’un acteur et qu’au fond j’en suis heureux, pour le moment, je fais une pause là où le mot vacances avait perdu son sens, pas de congés pour les saltimbanques.

Quand elle s’en va pour aller soigner les résidentes du centre pour handicapés je me dis qu’elle a un sacré cran d’aller bosser dans cette ambiance de coton empoisonné, de quitter notre cocon. Je prends peur et je mets le chauffage à fond, à la radio Musiq3 et pour me rassurer encore je pense à nos chances, à ceux qui ne les ont pas, pas de bons bouquins, pas de bons tuyaux cinéma, à la place un trou dans le compte, un conjoint qui te bat, des parents qui t’engueulent, un proche qui se meurt, un autre qui te manque, une solitude qui te plombe, une angoisse qui te ronge… Je pense à la « libération » (ils ont bien employé le mot « guerre »), aux squelettes qu’on trouvera dans les placards, sous les tapis, aux victimes collatérales et à mes potes qui en tant de guerre comme en tant normal se battent non contre le virus mais pour des droits auxquels ils ont droit, et qu’on ne leur donne pas. J’y pense et ça m’angoisse, ça me met en rage, quand c’est trop ma recette n’a rien d’original : Internet,  South-Park, Prosecco. Quelle chance…

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