Issaka et Nicolas
Une belle histoire… universelle

L’Envahisseur sort ce 23 novembre sur les écrans belges. Distingué à Gand, le film existe surtout grâce à la rencontre de deux hommes. Issaka Sawadogo est burkinabé. Nicolas Provost est belge. Leurs routes se sont croisées en Norvège. Et si l’œuvre qu’ils nous proposent ensemble est cruelle et noire, leur histoire en commun est belle et emblématique.

 

Issaka Sawadogo? Un grand acteur. Mais aussi un danseur et un musicien. Parfois, il fait de la mise en scène. Issaka est né à Ouagadougou en 1966. Loin d’ici. Mais c’est un pigeon voyageur et si sa carrière a pris corps au Burkina Faso, c’est en…Norvège qu’il s’est totalement révélé. Il possède d’ailleurs la double nationalité, ce qui n’est pas si courant.

C’est sur les planches qu’Issaka se taille une grosse réputation du côté d’Oslo. Ses interprétations marquantes dans des pièces importantes frappent les esprits : Le Combat du chien et du nègre de B.M. Koltés, L’Angoisse mange l’âme de Fassbinder L’Heure où nous ne savons rien de Peter Handke, Hamlet de Shakespeare ou Peer Gynt d’Henrik Ibsen. Du sérieux, du costaud…. Dans les écoles, il propose des cours sur la technique des contes, la danse et les rythmes africains. Ses spectacles mêlent parole et musique, chorégraphie et art dramatique. Il tourne dans des séries télévisées comme Hôtel César et Taxi brousse et devient à Oslo, consultant culturel auprès du théâtre national. Ébouriffant  parcours, non?

Mais pour Issaka, les racines, ça compte. Et dans son pays natal, il est une figure de proue, un artiste pris souvent un exemple, le symbole de la réussite tout simplement; un rêve. Membre fondateur du Cito, le carrefour international du théâtre, il y anime des ateliers sur la voix et le jeu.

 

Géographiquement, la Belgique se situe quelque part entre le Burkina Faso et la Norvège. Il n’est donc pas anormal qu’on le retrouve un jour chez nous. Mais son arrivée sur nos terres n’est pas due au hasard, mais à un autre pigeon voyageur, le réalisateur Nicolas Provost. Oui, celui-là même qui le met aujourd’hui en scène dans L’Envahisseur.

 

Fraîchement diplômé de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Gand, le remuant artiste s’inscrit à l’Académie de Bergen. Non pas le Bergen montois vu de Flandre, mais le Bergen… norvégien. Hasard ou coïncidence? Quoi qu’il en soit, ils font bien les choses, tous les deux. Là-bas, Nicolas veut tenter l’aventure de la vidéo. Hors des sentiers battus. En Norvège il trouve une ouverture d’esprit extraordinaire et un terrain d’expérimentation idéal. Il se sent tellement bien dans cet univers qu’il s’installe à Oslo pendant huit ans et y travaille comme illustrateur, graphic designer et directeur artistique.

 

Dès la fin des nineties, Nicolas se plonge dans la réalisation de courts métrages          novateurs qui font le tour des festivals du monde entier et réussissent l’exploit de fédérer à la fois les critiques de cinéma et ceux qui s’intéressent aux autres Beaux-Arts visuels. Une fusion qui est d’ailleurs le terreau de sa réflexion.

 

Lorsqu’il réalise son premier moyen métrage, Exoticore, Nicolas Provost fait appel à Issaka Sawadogo qui l’a beaucoup impressionné. Résultat : prix de la meilleure interprétation masculine au festival deucourt-métrage de Namur en 2005. Et une nouvelle rencontre. Grâce à Exoticore,  c’est Marion Hansel qui découvre l’acteur et lui confie le rôle principal de Si le vent soulève les sables, 2006.

 

 

Mais Nicolas ne lâche pas son ami. Il le fait à nouveau tourner dans Induction, un deuxième court métrage avec, notamment, Éric Godon et lorsqu’il écrit son premier long, il n’imagine personne d’autre pour incarner Amadou. En Belgique, Issaka frappe à ce point les esprits que la jeune réalisatrice flamande Kaat Beels l’engage pour tenir le rôle d’un immigré malmené dans Swooni… qui n’est évidemment pas sans rapport avec celui qu’il joue dans L’Envahisseur. Mais la tonalité des récits et le style des deux films sont très différents.

 

 

Au récent Festival International du Film de Gand, L’Envahisseur a fait un véritable carton arrachant trois trophées majeurs : le Prix George Delerue de la Meilleure Musique (et à Gand, ce prix est un must absolu), mais aussi le Prix de Meilleur Acteur pour Issaka Sawadogo et le Prix Jo Röpke (meilleur jeune réalisateur flamand) pour Nicolas Provost.

 

Les deux hommes, réunis au même palmarès, voilà un superbe symbole de leur symbiose.  Une histoire comme on les aime. Une belle histoire… universelle.

 

 

[Toutes les photos sont disponibles en téléchargement sur le site de O’Brother distribution, la photo de Nicolas Provost est signée Bart Dewaele]

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