« Juwaa », de mère en fils

Ce 15 mars sera dévoilé à Mons en avant-première Juwaa, premier long métrage de Nganji Mutiri livre avec Juwaa, portrait intime de retrouvailles empêchées par l’histoire, l’absence et les non-dits entre une mère et son fils, entre Bruxelles et Kinshasa, incarnés par Babetida Sadjo et Edson Anibal.

Amani a 10 ans lorsqu’il est séparé de sa mère Riziki, journaliste politique, suite à de violents évènements à Kinshasa où son père trouve la mort. 10 ans plus tard, il débarque à Bruxelles pour poursuivre ses études, et par la force des choses, la retrouver. Mais impossible pour lui de tirer un trait sur les 10 ans d’absence, vécus comme un abandon. Le jeune homme faute de se trouver va peu à peu se perdre, empêché de renouer le lien avec une mère qu’il estime démissionnaire et infidèle. 

Juwaa est le premier long métrage de Nganji Mutiri, artiste multi-facette originaire de Bukavu, installé à Bruxelles. Comédien, photographe, auteur, il a réalisé quelques courts métrages avant de se lancer dans l’aventure du long, dans le cadre d’un appel à projet pour les films à production légère, lancé par le Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie Bruxelles, soutenant des films produits dans une économie modeste, intégrant artistiquement ces contraintes, via en général une certaine unité de temps et de lieux, et un nombre restreint de personnages. Souvenez-vous, il y a quelques mois, nous faisions un saut sur le tournage.

Juwaa-Nganji-Mutiri

Ainsi Juwaa se concentre sur le parcours d’Amani, le pas de deux que sa mère tente maladroitement de mener avec lui. Nganji Mutiri s’interroge et nous interroge, comment restaurer le lien filial et maternel par-delà l’absence et la distance? Comment le renouer quand règnent les non-dits, et quand la vérité doit encore être révélée? 

Amani ne sait pas tout des raisons du départ de sa mère. Il sait le deuil, il sait la mort, il sait le sang. Mais que sait-il de ce qu’elle a fui, en réalité? Journaliste politique, elle a échappé de justesse à la mort qui n’a pas épargné son mari, le père d’Amani. Rester, c’était mettre son fils en danger. Partir avec lui, l’insécuriser, le déraciner.

Mais les bonnes raisons sont parfois solubles dans le temps. Quand Amani retrouve sa mère, elle a refait sa vie, s’est réinventée, sans lui, qui peine encore à s’inventer. Cette relation distendue va laisser de la place à d’autres relations potentiellement toxiques. Amani et Riziki vont devoir faire la paix avec leur passé, lever le voile qui assombrit leur histoire  – et qui recouvre les cauchemars d’Amani.

Juwaa se concentre sur ce noeud relationnel traumatique, et ses conséquences dans la vie d’Amani. Cette relation conflictuelle jette le trouble sur toutes ses autres relations. Autour de ce couple gravite d’autres personnages, famille, amis, amantes, qui tous mettent en lumière l’aspect dysfonctionnel de la relation primaire, la relation matricielle, qui définit le rapport au monde.

Juwaa-Nganji-Mutiri

Avec peu de moyens mais un sens aigu de l’image et de la direction artistique, Nganji Mutiri met en scène son couple mère-fils, interrogeant au passage l’identité noire de ses personnages, partagés entre deux continents, et autant de façon de vivre leur identité. Amani s’interroge sur le nouveau couple que forme sa mère avec Raphaël, un homme métis, sur son recours nouveau à la religion.

Le film est porté par deux comédiens largement investis dans leur rôle: le jeune Edson Animal, dont c’est le premier grand rôle, qui incarne avec justesse l’ambivalence d’un jeune homme qui cherche sa place en tant qu’homme et que fils; et Babetida Sadjo, vue récemment dans And Breathe Normally de l’Islandaise Isold Uggadottir, ou encore dans la série Netflix Into the Night , et que l’on a plaisir à revoir dans un film belge après Wasteland de Pieter Van Hees en 2014 déjà. 

Après avoir été dévoilé en avant-première mondiale au Fespaco, Juwaa sera projeté en avant-première européenne au Festival International du Film de Mons ce 15 mars. 

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