« Le Coeur noir des forêts »: faire famille

Aujourd’hui sort Le Coeur noir des forêts, premier long métrage sensible et envoûtant de Serge Mirzabekiantz, sur deux âmes errantes en quête d’amour, avec deux jeunes comédien·nes épatant·es, Quito Rayon Richter et Elsa Houben.

Au fond des bois résonne une musique inquiétante et mystérieuse où surgissent quelques dissonances, comme un écho au souffle du vent qui siffle dans la cime des arbres. Au coeur de la forêt, on découvre Nikolaï, 16 ans, jeune garçon farouche et solitaire. Il a un petit monde, étrange et déserté.

Retour dans le foyer pour jeunes mineurs dans lequel Nikolaï est hébergé. Il y est entouré de jeunes de son âge, et pourtant isolé. Il ne semble pas partager les mêmes enjeux, les mêmes désirs. A la fois plus jeune, et plus vieux qu’eux. Mais quand il aperçoit Camille, c’est comme s’il était appelé par cette autre solitude. Avec elle peut-être, il pourrait briser l’isolement. Et envisager un futur.

Camille elle a d’autres soucis. Délinquante récidiviste, elle vit avec sous le joug d’une épée de Damoclès judiciaire. Abandonnée par sa mère à sa naissance, « oubliée » par son père qui a fondé une autre famille, ailleurs, elle se sent elle aussi seule au monde.

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Alors contre toute attente, Nikolaï et Camille, enfants perdus en quête d’amour, vont faire alliance pour recréer ce qui leur manque le plus: une famille. La leur.

Le récit se déploie en trois temps, axés sur le regard de Nikolaï, puis celui de Camille, et enfin un regard plus englobant, dont nous ne dirons rien. Les scènes sont dédoublées, gagnant en signification, complexifiant les enjeux et la narration. Levant le voile sur quelques zones d’ombre persistantes.

A partir d’un motif de cinéma assez classique (le thème de la très jeune parentalité, vu dans des films aussi différents que Juno ou Keeper de Guillaume Senez), Serge Mirzabekiantz propose une variation personnelle et envoûtante de ce classique, plongeant son jeune couple au coeur d’une forêt qui tient autant du conte de fées que du mauvais rêve, un forêt terriblement organique, mise en images par la chef opératrice de talent Virginie Surdej (Nuestras Madres, By the name of Tania, Adam, Insyriated), et qui semble dialoguer avec les personnages, ses grondements comme des lignes de dialogues que seul l’instinct peut déchiffrer.

Nikolaï et Camille, désarmés par l’absence d’un cocon familial, affrontent la vie à mains nues. Si leurs projets sont bien distincts, ils finissent par se rejoindre, l’un cherchant à réaliser un fantasme enfoui de famille modèle, l’autre cherchant un cadre pour accueillir la sienne. La profonde mélancolie qui habite leurs regards semble les attirer irrésistiblement l’un vers l’autre.

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Pour les incarner, le réalisateur a recruté deux jeunes comédien·nes épatant·es. S’il s’agit du premier rôle de Quito Rayon Richter (le film a été tourné en 2019), qui offre à Nikolaï intensité et mystère, on le retrouvera bientôt dans Les Passagers de la nuit de Mikhael Hers, aux côtés de Charlotte Gainsbourg, Noée Abitta et Emmanuelle Béart, rien que ça.

Elsa Houben quant à elle a déjà une riche carrière sur le grand comme sur le petit écran, mais ce rôle, qu’elle endosse avec une énergie brute et une détermination des plus convaincantes laisse entrevoir de nouveaux emplois plus profonds dans sa jeune carrière.

La musique envoûtante est signée notamment par Manuel Roland, à qui l’on doit déjà les partitions de L’Année Prochaine ou de Parasol de Valéry Rosier, pour lequel il a d’ailleurs reçu le Magritte de la Meilleure musique, et plus récemment, La Forêt de mon père de Véro Cratzborn, et Tokyo Shaking d’Olivier Peyron.

Le Coeur Noir des Forêts est produit par Anthony Rey pour Hélicotronc.

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