Le Gamin au Vélo :
En avant… Marches !

C’est l’histoire d’un gamin, placé dans une institution en attendant que son père se sorte des ennuis financiers dans lesquels il se débat. Mais la situation s’éternise et le paternel ne donne plus signe de vie.  À vrai dire, il a quitté l’appartement dans lequel il vivait et il est introuvable. Il aurait même vendu la bicyclette de son fils.

Heureusement, dans cette fable solaire, inhabituellement optimiste dans l’univers des Dardenne, il y a une bonne fée (c’est le point commun entre trois de nos films à Cannes : Le Gamin au Vélo, Les Géants et… La Fée). Elle est coiffeuse, s’appelle Samantha, retrouve et rachète le vélo du gamin et le lui rapporte. À partir de là il ne va plus la lâcher. Ça tombe bien, elle est très réceptive, d’une gentillesse quasi extraterrestre.

« – On ne voulait pas lui donner une raison précise d’agir ainsi, précise Luc Dardenne. Elle se prend d’affection pour ce môme et, sans sentimentalisme, tente de le remettre sur les rails. Parce que c’est comme ça que ça doit être. Aujourd’hui, dans un monde profondément individualiste, ce genre d’attitude surprend. Mais c’est ça qui est bizarre: que la gentillesse ou la bonté soient source d’étonnement. »

Tourné en été, lumineux donc, et servi par une star, Cécile de France, ce qui est très inhabituel dans l’univers des frères, Le Gamin au Vélo comporte néanmoins de nombreux points communs avec les autres œuvres du duo. Il y est par exemple question de problèmes familiaux, plus précisément d’une filiation difficile. Dans Le Focus Vif de la semaine, Louis Danvers souligne que ce Cyril pourrait très bien être l’Enfant du film homonyme qui a reçu la Palme en 2005. Dans les deux cas, le paternel est d’ailleurs campé par un Jérémie Renier qui, en deux scènes ici, nous montre une fois encore qu’il est de la trempe des géants.

Ultime rapport évident avec La Promesse, Rosetta, le Fils ou l’Enfant, Luc et Jean-Pierre Dardenne ont déniché un jeune acteur, inconnu au bataillon, et qui par son aplomb, son naturel et son incroyable présence à l’écran, a immédiatement bouleversé tous les spectateurs qui ont eu la chance de découvrir le film en primeur. Ce Thomas Doret ne s’arrêtera pas en si bon chemin, c’est clair.

Sélectionnés pour la cinquième fois en douze ans en compétition officielle cannoise (les Dardenne réalisent un film tous les trois ans, le compte est bon), Jean-Pierre et Luc sont aujourd’hui présentés comme des favoris. Sur base des statistiques, normal qu’ils soient cités. Mais eux-mêmes ne sont pas d’accord avec cette étiquette. Comme ils nous l’expliquent dans ce director’s cut, ils ont même choisi de sortir leur film en salles en plein festival. Soit trois jours après la présentation sur la Croisette, mais quatre jours avant la proclamation des résultats.

La stratégie est d’une grande intelligence: l’accueil critique ne devait pas poser de problème. Jusqu’ici tous les journalistes qui l’ont vu se sont emballés pour ce nouvel opus. Il était logique de penser qu’il en irait de même pour l’immense majorité des envoyés spéciaux cannois. Aucune raison qu’il en soit autrement puisque Le Gamin au Vélo est totalement réussi. Beaucoup prétendent d’ailleurs que c’est l’œuvre des Dardenne qui, pour la première fois, connaîtra un vrai succès public. Les tweets qui ont volé à travers le monde dès la sortie de la vision de presse (voir sur notre page Facebook) ont immédiatement confirmé cette bonne impression. L’enthousiasme est assez unanime. La tonalité des articles demain et des réactions sur les radios et télés devraient être à l’avenant.

Sur cette rampe de lancement idéale, Le Gamin au Vélo pourrait attirer d’emblée une première vague de cinéphiles forcément intéressés et informés. Un trophée supplémentaire ne ferait qu’augmenter le bouche à oreille. Mais les frères n’y pensent pas et ils sont déjà tout heureux d’être à Cannes cette année : une trentaine de films retenus sur 1700 proposés, ça représente moins de 2% de chance de se retrouver au Palais. Alors, sans espérer quoi que ce soit de plus que le bonheur d’être là, savourons le plaisir de voir tout ce monde monter les marches ce dimanche pour saluer le talent d’une équipe, l’identité d’une région, une vision unique et une exigence qui ne s’est jamais démentie au fil des ans.

 

 

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