Le grand débarquement

On l’a vu cette année encore à l’occasion du bilan du Centre du cinéma, les sorties des films belges en France sont très importantes pour consolider leur carrière. Qu’on la considère sous l’angle purement artistique ou sous l’angle plus prosaïquement économique.

Sur le million d’entrées amassé par Le Tout Nouveau Testament, plus de 70% venaient de France. Plus récemment des films comme Keeper (11 484 entrées dans l’Hexagone) ou Baden Baden (près de 20.000) ont largement consolidé leur score belge en émigrant de l’autre côté de la frontière.

Avec ses 105.000 entrées homologuées en Hexagonie, Les premiers, les derniers de Bouli Lanners a multiplié son score belge par dix. Et que dire des Chevaliers Blancs de Joachim Lafosse qui l’a multiplié par près de 20 (195.665 spectateurs).

 

 

Ces chiffres sont d’autant plus revigorants que les films belges ne peuvent naturellement pas s’appuyer sur une combinaison de salles comparables aux comédies locales ou (encore moins) aux blockbusters anglo-saxons.

Au-delà de ces considérations, ces films ont été portés en France (comme en Belgique) par une critique particulièrement enthousiaste.
D’ici la fin de l’année, nous avons pointé huit films belges qui vont tenter de séduire les spectateurs français. Le tout premier est sorti mi-juin,  le deuxième le 23, le troisième, sur lequel on fonde quelques espoir, se présente sur la ligne de départ dès la semaine prochaine.

 

 

 

Tous les chats sont gris – à l’affiche

 

Porté par un Bouli Lanners en état de grâce, une Anne Coesens contre nature en petite bourgeoise coincée et la jeune Bruxelloise Manon Capelle, révélation du film, Tous les chats sont gris a été une des très bonnes surprises de l’année 2015 en Belgique : un Magritte du meilleur premier film pour la réalisatrice Savina Dellicour, un autre de la meilleure actrice dans un second rôle, remis à Anne Coesens et, pour couronner le tour, plus de 15.000 spectateurs dans les salles belges ; soit la deuxième meilleure performance de l’année pour un film belge francophone sur ses terres.

Sans acteur français de premier plan pour le porter, ce drame psychologique délicat et attachant n’aura pas la partie facile chez nos voisins, mais le voir augmenter sa surface de notoriété nous emballe néanmoins.

On croise les doigts.

 

 

Rosenn – à l’affiche

 

Avec ses décors grandioses et sa vision romantique d’une époque surannée, la sortie française de Rosenn est la surprise du chef. Mais on sait aussi qu’Yvan Le Moine, qui signe ici son troisième long métrage est un homme prêt à tout pour aller au bout de sa passion, tourner les films dont il rêve et, ensuite, les amener jusqu’au public.

Car ce réalisateur ne négocie pas avec ses envies : dans cette aventure il embarque aux côtés d’une jeune comédienne belge, la lumineuse Hande Kodja, quelques comédiens dont la renommée internationale n’est plus à faire: Ruppert Everett, d’une rare intensité, Béatrice Dalle (37,2 le Matin), Stefano Casseti (Roberto Succo) et deux acteurs français qui ont rarement été aussi bons qu’ici : Jacques Boudet (truculent dans le rôle du papa) et Stanislas Mehrar.

Sans oublier, pour une voix off inattendue, un Michael Lonsdale ironique dont la diction et le timbre incarnent parfaitement l’essence divine de sa participation.

Cette sortie française est une nouvelle preuve flagrante de l’acharnement du réalisateur qui aura été jusqu’au bout de tous les défis qu’il s’était imposés. Chapeau bas !

 

 

Je me tue à le dire – 6 juillet

Les Français adorent le cinéma belge quand il est… très belge. C’est-à-dire, différent, un peu dingue, surréaliste aussi.  Bonne nouvelle : l’hilarant Xavier Seron leur offre ce qu’ils pourront voir de plus typiquement noir jaune rouge cette année sur leurs grands écrans.

Prix Cinevox au dernier FIFF, Je me tue à le dire a épaté tout le monde pour son audace et sa maîtrise. Pour l’interprétation superlative de Jean-Jacques Rausin, aussi. Le festival de Palm Springs a d’ailleurs donné raison au jury de cinéphiles namurois en couronnant le film lors de son édition 2016.

 

Entre éclats de rire et émotion, ce premier long métrage très esthétique, filmé en noir et blanc, est pour nous une des meilleures surprises de 2016. Il risque également de devenir culte outre-Quiévrain.

 

 

La vie est belge– 13 juillet

 

Ce titre ne vous dit rien ? Normal ! Il s’agit en fait du titre d’exploitation française de Brabançonne, première comédie musicale 100% belge à parvenir sur nos écrans.

Les Français s’intéresseront-ils à cette histoire noire, jaune, rouge partagée entre le français et le flamand ? Possible.

D’abord parce qu’ils retrouveront leur très mignon Arthur Dupont dans le rôle principal. Ensuite parce que même si film n’a pas connu au box-office belge le succès escompté, il reste une jolie réussite, signée par Vincent Bal.

 

Au menu : fanfare, histoires d’amour, rancœurs, chansons populaires, coup bas et… humour vache. Servi par une constellation de comédiens belges épatants.

 

 

Parasol – 10 août

Les vacances, une île en Méditerranée. Trois errances, la fin de l’été. Un air de faux docu, des acteurs inconnus mais convaincants…  Parasol, n’est peut-être pas le film d’été le plus classique qui soit, mais il pourrait être une contre-programmation idéale pour les cinéphiles qui osent la différence et qui sont sensibles à cet esprit belge mutin qui fit les beaux jours de l’émission Strip Tease, aussi célèbre en France que chez nous.

Par petites touches impressionnistes souvent drôles… et pathétiques, Valery Rosier montre la face cachée d’un mensonge commercial à travers le regard de personnages qui se perdent à côté de leur vie même s’ils font semblant d’y croire encore.

Si Parasol est clairement un film de fiction, agencé en trois histoires entremêlées qui ne se rejoignent jamais, sa forme, nous l’avons dit, est quasi documentaire. Pas étonnant de la part d’un réalisateur intransigeant qui nous a déjà donné Dimanches et Silence radio, et manie l’humour et les sentiments les plus contrastés avec une jouissive virtuosité.

Un autre représentant très digne de la Belgitude la plus éclairée.

 

 

La fille inconnue – 12 octobre

 

La fille inconnue est le premier film de cette liste à ne pas encore être sorti chez nous. Il devrait nous arriver à peu près à la même période.

Comme vous le savez maintenant, le nouveau long métrage de Jean-Pierre et Luc Dardenne a été présenté en compétition officielle lors du 69e Festival de Cannes. Il en est revenu bredouille. Depuis lors, il a été remonté et amputé de huit minutes.

On y suit Jenny, jeune médecin généraliste, qui se sent coupable de ne pas avoir ouvert la porte de son cabinet à une jeune fille retrouvée morte le lendemain. Apprenant par la police que l’identité de la jeune fille est inconnue, Jenny se met en quête de son nom…

Au cœur d’un casting très dardennien, essentiellement composé par les acteurs proches des réalisateurs, le rôle de Jenny est tenu par Adèle Haenel, César 2015 de la meilleure actrice pour son rôle dans Les Combattants.
Un attrait évident pour le spectateur français.

 

 

Les oiseaux de passage – 9 novembre

 

Mieux vaut tard que jamais pour les Oiseaux de Passage, mais sa carrière exceptionnelle en festivals ne pouvait naturellement pas laisser les distributeurs français indifférents.

Jugez plutôt : le film a été récompensé au Festival International du Film pour Enfant de Montréal, au Zlin Children Film Festival (République Tchèque), au Kineko International Children’s Film Festival of Tokyo, au Buster Copenhague, au Festival International du cinéma Jeunesse de Rimouski (Canada), à Chemnitz (Allemagne), à Mon Premier Festival – Enfances au Cinéma de Paris (France), au  Chicago Children’s Film Festival au Kinodiseea International Children Film Festival de Bucarest, à l’Olympia International Film Festival for Children and Young People (Grèce), ou encore au SMILE International Film Festival for Children and Youth of New Delhi

Bref, un grand chelem des manifestations dédiées aux films pour les jeunes. Plus impressionnant, ça n’existe pas.

Dans cette ode à la liberté et à l’émancipation, on retrouve pêle-mêle l’amour inconditionnel des frères Ringer pour les animaux, une acerbe critique des parents trop occupés à « autre chose » pour s’occuper de leurs enfants, une quête, une fillette déchirée entre les adultes qui sont censés veiller sur elle et une sourde solitude…
Au bout du compte, on sort du film ému et on a vraiment envie de le montrer aux plus jeunes qui s’y nourriront, au-delà de l’aventure qu’ils risquent de beaucoup apprécier, de sentiments forts et d’une ouverture d’esprit qui n’est pas forcément au menu de productions plus commerciales.

 

 Photos de tournage (Kaos Films/Cinevox 2015)

Paris pieds nus – 28 décembre

 

D’abord annoncé sur les écrans belges le 29 juin, Paris Pieds Nus vient de disparaître des releases. En France, il sortira en décembre. À défaut d’une participation cannoise, les distributeurs attendent probablement un festival d’été (Toronto ? ) pour attirer l’attention des cinéphiles et des critiques.

 

Paris pieds nus raconte l’histoire d’une bibliothécaire canadienne qui habite le Grand Nord et reçoit un jour une lettre de sa tante de 88 ans. C’est un appel au secours: la vieille dame va être placée dans une maison de retraite et ne veut pas y aller. Fiona, la Canadienne, saute alors dans le premier avion. Direction Paris où sa route va croiser celle d’un SDF sympa, mais maladroit, qui lui pourrit la vie.

 

Paris, pieds nus est donc l’histoire de trois personnes perdues dans la Ville Lumière comme le souligne assez explicitement le titre anglais du film: Lost in Paris. Mais définir ce film par son pitch est une approche forcément incomplète.

 

Préciser qu’il est le quatrième long métrage d’Abel et Gordon, les clowns trublions, hilarants et poétiques, est une indication beaucoup plus intéressante, car de l’Iceberg, à la Fée en passant par Rumba, ces deux-là ont créé un univers qui ne ressemble à rien de connu dans le petit monde du 7e art.

Leur approche surréaliste, basée sur le travail des corps avant de s’appuyer sur les mots ou les rebondissements scénaristiques est formidablement originale… et terriblement rafraîchissante.

En France, leur cinéma surréaliste, désinvolte et pourtant millimétré, plait : chacun de leur film y a fédéré jusqu’ici entre 50.000 et 150.000 spectateurs.

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