« L’Ecole de l’impossible »: possibles avenirs

Après avoir suivi le quotidien d’une classe de 6e primaire dans Enfants du Hasard, Thierry Michel réalise avec Christine Pireaux L’Ecole de l’impossible, une plongée au coeur d’un collège d’enseignement professionnel, au pied des hauts fourneaux. 

C’est l’histoire de filles et de garçons, d’adolescents en crise confrontés à l’univers scolaire. Leur destin se forge au coeur de l’école, avec leurs histoires individuelles de familles déclassées et de chômage chronique. Une histoire de révolte et d’indiscipline pour certains, d’obstination parfois pour sortir de l’échec et du fatalisme. Ce film plein d’humour et de tendresse raconte leur vécu au sein du Collège Saint Martin, cette école multiculturelle de la dernière chance, avec son directeur bienveillant, ses professeurs motivés.

L’Ecole de l’impossible suit le combat quotidien du corps enseignant, du personnel éducatif, mais surtout des élèves pour lutter contre la discrimination et la fatalité. Issus dans leur grande majorité de milieux défavorisés, les élèves arrivent au collège marqué du sceau du déterminisme social. Quand certains ont intégré au plus profond de leur chair cette empreinte, entre résignation et colère, d’autres voient en l’école la possibilité de faire quelque chose (d’autre) de leur vie.

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C’est le paradoxe du titre, rêver les possibles tout en scrutant les obstacles, internes et externes qui ralentissent ou anéantissent la progression de ces jeunes pas si plein d’avenir, ou en tous les cas pas cet avenir radieux que l’on imagine, ailleurs.

On suit les élèves, bouleversants. On observe la façon dont chacun doit revêtir une armure pour évoluer au sein du groupe et face au système, alors que les entretiens en tête-à-tête laissent transparaître leurs doutes et leur fragilité. Ce sont des armures de combattants. Quand on leur demande où ils se voient dans 20 ans, on est frappé par leur lucidité. On note la résignation de certains, le fatalisme d’autres, et l’incroyable espoir qu’ont d’autres encore: « Peut-être que nos difficultés seront notre plus grande force ».

On suit les profs aussi. La difficulté pour les plus jeunes d’entre eux, parachutés dans une école difficile, qui 5 minutes à peine après le début du premier cours semblent réaliser l’ampleur de la tâche qui les attend, la hauteur du col qu’il va falloir franchir, doutant déjà d’avoir les forces pour l’atteindre. D’autant que l’on n’est pas égaux, face à une classe, selon qu’on est une jeune enseignante néophyte ou un vieil enseignant endurci.

On note leur patience, leur endurance. Comment faire face à la défiance des élèves? Il y a presque autant d’histoires tragiques que de jeunes. C’est une population parcourue de violences familiales, d’abandons.

Les discussions résonnent des faits de société. Ca parle #metoo et #balancetonporc. Ca parle harcèlement. Les chaises elles-même en témoignent, les insultes gravées au compas ou inscrites au marqueur hurlent le sexisme et la misogynie.

Ces élèves sont sur le fil, ils marchent au bord d’un précipice, il faut sans cesse les rattraper. « La pédagogie est un sport de combat contre la fatalité et l’injustice. »

Malgré les innombrables difficultés pourtant, et s’il n’est pas question de se voiler la face, pour certains, l’école sera la voie de l’émancipation. La possibilité de se construire un destin, le vecteur d’un autre avenir. Un avenir peut-être pas si impossible.

 

 

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