L’émotion à fleur de peau

Présent sur les écrans belges depuis presque deux semaines, Couleur de Peau : Miel poursuit son petit bonhomme de chemin et continue à charmer chaque jour son lot de spectateurs cueillis par l’émotion qui se dégage de cette œuvre unique.

En France, le film est sorti sept jours plus tôt encore et l’écho qu’il éveille est assez singulier. Sur le site phare du cinéma hexagonal, Allo-Ciné, il décroche des critiques tellement incroyables qu’il se classait le week-end dernier en troisième position à l’indice de satisfaction global. Soit devant presque tous les blockbusters du moment.

Ceci est d’autant plus surprenant qu’en termes de box-office, il ne réalise pas un score énorme. Par contre, ceux qui l’ont vu, l’ont aimé et tiennent absolument à le faire savoir. Un bon point.

 

 

Au festival du film d’animation d’Annecy (photo ci-dessous) où il fut présenté en compétition, Couleur de Peau : Miel glana deux récompenses majeures : le prix Unicef et celui du public. Mais alors que parfois les spectateurs et la presse ne se retrouvent pas du tout dans leurs appréciations, l’accueil critique qui a salué le film de Jung et Boileau est lui aussi unanime.

 

 

 

En France d’abord où au-delà des qualités intrinsèques de l’oeuvre, les journalistes soulignent l’originalité du thème et de son traitement : « Décalages, conscience dévalorisée de sa différence – « un canard boiteux », « une pomme pourrie » , amitiés avec ses frères et soeurs, mais surtout solitude onirique d’un être à la recherche de sa place et de ses vrais parents. Couleur de peau : miel, qui respecte l’univers visuel du Franco-Coréen, creuse aussi le mal-être existentiel d’un enfant, puis d’un ado, qui, malgré l’amour reçu, eut très longtemps la tentation de fuir et de se replier sur lui-même. L’adoption peut parfois conduire au suicide des enfants. Cette oeuvre sensible évite l’angélisme tout en se gardant d’accuser quiconque. ».

 

L’analyse de François-Guillaume Lorrain dans Le Point rejoint celle de Cécile Mury  dans Telerama : « La mère, les mères sont au coeur de ce voyage introspectif : l’énigme cruciale de leur amour, qu’il se perde dans un abandon ou commence avec une adoption. Par petites touches quotidiennes, Jung raconte aussi son rapport ambivalent à son pays d’origine, du rejet total à la curiosité lancinante. A son éternelle quête d’identité, seule la douceur cuivrée des images apporte un apaisement. »

 

 

Mais la forme est aussi épinglée et saluée avec ferveur : « De la page à l’écran, Couleur de peau : Miel est devenu un objet intelligemment hétéroclite, fruit d’une collaboration prolifique entre Jung et Laurent Boileau, réalisateur de nombreux documentaires sur la bande dessinée et chroniqueur pour Actuabd.com », note Carole Milelliri sur l’excellent site Critikat.

« Avec Laurent Boileau, le dessinateur s’est engagé dans une entreprise collective qui l’a conduit à porter un regard neuf sur sa propre histoire et à poursuivre sa réflexion sur le statut d’adopté : un état en perpétuel changement, et non une étape de construction de soi réglée une fois pour toutes. Alors que le roman graphique engageait virtuellement un dialogue entre Jung enfant et adulte, la structure du film s’organise autour de la voix d’un personnage de Jung adulte, prise en charge par William Coryn. Ainsi, le film nous engage dans une fiction d’inspiration autobiographique, où un narrateur reconstruit et analyse avec plus de distance le parcours de l’adopté selon un point de vue mûr. »

 

 

 

L’occasion de noter que d’autres voix du film sont signées par de vieilles connaissances : Christelle Cornil et Jean-Luc Couchard.

« Les réalisateurs signent un film hybride d’une fluidité absolue, réussissant joliment à marier prises de vue réelles et animation, photos de famille et films super 8, 2D et 3D, archives historiques et  familiales », note Fabienne Bradfer dans Le Mad. « À cela s’ajoutent un humour décapant et une poésie très asiatique qui permettent de raconter, à la première personne, le drame d’un gamin adopté sans verser dans le mélo. Mais comme la BD, le film va bien plus loin que le cas personnel. On se retrouve tous dans ces questionnements autour de l’amour maternel, l’identité, le déracinement, l’intégration. »

Comme vous le voyez, l’intérêt est identique en Belgique où le film a été accueilli avec une vraie chaleur.

« De son sujet éminemment subjectif et très précis dans ses contextes historiques et géographiques, le film soulève alors des questions universelles et très actuelles : qu’est-ce que l’identité ? », interroge  Alain Lorfèvre dans La Libre. « C’est quoi une famille ? Quelle en est la part d’inné ou d’acquis ? Et à ceux qui seront effrayés par la dureté apparente de certains propos de l’auteur, en quête depuis son enfance d’une mère, on précisera que la dernière phrase du film a valeur d’absolution. Œuvre inclassable, « Couleur de peau : Miel » perturbe et secoue, mais captive et éblouit, et prouve une nouvelle fois la valeur cathartique de l’art. »

 

 

 

 

« Une texture fascinante pour une plongée intime où l’humour, l’esprit critique, mais aussi la tendresse s’expriment de très belle façon. », conclut Louis Danvers dans Focus Vif. « Une certaine poésie se dégage également de cet ensemble aussi personnel dans ses motivations que largement offert au partage dans sa mise en forme. »

Tant d’enthousiasme ne peut pas vous laisser de marbre, si?

 

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