Les films belges au 68e Festival de Cannes : nos pronos (2/2)

Vous sentez l’odeur du large? Ouiiii: le Festival de Cannes approche.

Il débutera le 13 mai et s’achèvera le 24.

La semaine dernière, nous avons examiné la liste des films belges qui pouvaient revendiquer une place dans une des catégories reines de la manifestation. Nous en avons dénombré trois qui ont de vraies chances d’être sélectionnés. Ils entrent dans les conditions officielles, ont le profil adéquat et chacun des réalisateurs a déjà un appréciable passé cannois. Seront-ils de la partie?

Tout ce qu’on peut dire c’est… espérons…

Let’s pray ! Alleluia (comme dirait Fabrice Du Welz présent l’an dernier à la Quinzaine) !

 

 

D’autres longs métrages ont aussi le regard fixé sur la Croisette. Mais à moins d’une énorme surprise, ces autres prétendants semblent plutôt destinés à la Semaine de la critique.

Ces premiers ou deuxièmes films, pointus ou porteurs d’univers très personnels, ont tous le profil de la section. On le sait, la Semaine est en général une première marche qui mène ensuite aux autres sections. Revers de la médaille: la sélection est très étroite et si on vous donne ici une série de titres assez conséquente, il faut bien être conscient que la présence d’un seul d’entre eux serait déjà une formidable victoire

 

 

Avec Elle ne pleure pas, elle chante Philippe De Pierpont nous avait éblouis, révélant au passage sur grand écran une de nos plus emblématiques comédiennes actuelles, Erika Sainte. Bien sûr Erika est une interprète épatante, mais Philippe de Pierpont est également un directeur d’acteurs hors pair. Ce sera à nouveau son atout n°1 pour Bee Lucky, tout entier axé autour d’un jeune duo fort prometteur composé d’Arthur Buyssens (Le fils du blanc, Premiers pas, Solo Rex, pour les amateurs de courts) et Martin Nissen (Les géants)

Bee lucky est un récit d’initiation. C’est l’histoire de deux amis d’enfance : Lucas (un lycéen de 16 ans) et Bert (un apprenti mécanicien de 18 ans) qui fuient le bocal familial, un éteignoir. Lucas, encore immature, va trouver en Bert un « grand frère », un guide… qui le mènera au bord de la catastrophe.

Leur fugue va les conduire dans des maisons abandonnées par leurs locataires partis en vacances. Mais très vite, l’ennui refait surface et le sens de leur voyage leur échappe. Rentrer au bercail ? Continuer ? La logique de leur dérive les pousse à aller toujours plus loin. C’est la fuite en avant…

La postproduction est aujourd’hui dans sa phase ultime et on est très (mais alors très) curieux de voir ce film fort engageant.

 

 

Également produit par Iota qui peut compter pour les prochains mois sur un line-up formidable Keeper est le premier long métrage de Guillaume Senez, remarqué avec son court métrage UHT.

Tourné sous le titre d’Hors cadre, Keeper focalise son attention sur Maxime et Mélanie. Ils ont 15 ans. Ils s’aiment. Ensemble, ils explorent leur sexualité avec fougue et maladresse. Jusqu’au jour où Mélanie découvre qu’elle est enceinte. Maxime sur le point de débuter une carrière de footballeur dans un grand club accepte mal la nouvelle, puis se conforte dans l’idée de devenir père. Il convainc alors Mélanie de garder l’enfant…

Une visite sur le plateau nous a vraiment intrigués: Guillaume Senez développe une direction d’acteurs étonnante : il ne leur fournit pas le scénario, mais leur explique le contexte et la scène avant de les emmener progressivement vers ce qu’il attend… mais en laissant à chacun le temps d’accomplir son propre chemin. Voilà un exercice franchement bluffant à regarder… surtout quand on eut la chance de le lire le fameux scénario.

 

Pour son casting, Guillaume Senez a choisi le Suisse Kacey Mottet Klein, la Française Galatea Belugi et un duo belge composé de Catherine Salée et Sam Louwyck. Sans oublier Laetitia Dosch.

À notre avis, le film (s’il est réussi) a pile-poil le profil de l’emploi. Cela dit, nous avons recueilli une indiscrétion d’une chanceuse spectatrice (neutre) de la première heure qui nous a confié être totalement sous le charme (le choc). Donc…

 

 

Un autre producteur a dans les cartons deux films susceptibles de charmer les sélectionneurs cannois: il s’agit de Tarantula avec Baden Baden de Rachel Lang et Le chant des hommes de Bénédicte Liénard et Marie Jimenez

 

Baden Baden conte un chapitre de l’histoire d’Ana, initiée avec deux courts métrages. Dans Pour toi, je ferai bataille, le personnage d’Ana apparaît pour la première fois au sortir de l’adolescence, trouvant dans l’armée, dans la discipline et parfois même dans l’aliénation, une béquille pour être au monde. C’est clairement le film le plus autobiographique de sa réalisatrice.

Le film réalisé dans le cadre de ses études a récolté entre autres le Léopard d’Argent à Locarno, deux prix d’interprétation pour Salomé Richard et le grand prix du festival international d’Hambourg. Il a circulé dans plus de 50 festivals.
La seconde apparition d’Ana dans Les navets blancs empêchent de dormir marque un changement dans son personnage. Elle vit une rupture amoureuse et avance un peu plus encore vers l’âge adulte. Le film a également été sélectionné dans de nombreux festivals et a obtenu des prix à Uppsala, Belo Horizonte et Cabourg.

Elle est aujourd’hui arrivée à un point névralgique de son évolution : Ana cherche à devenir une adulte. Elle a 24 ans et quitte un tournage de film sur lequel elle ne trouvait pas sa place pour revenir à Strasbourg, la ville de son adolescence.

Elle se donne pour mission de changer la baignoire de sa grand-mère pour une douche de plain-pied, configuration plus adaptée à son âge avancé. Le temps d’un été, une ancienne passion amoureuse ressurgit, sa mamy est hospitalisée et Ana tente de se débrouiller avec la vie.

Pour la troisième fois Rachel Lang retrouve donc Salomé Richard, son Jean-Pierre Léaud à elle. Même si la réalisatrice nous a confirmé que rien ne la reliait particulièrement à l’univers de Truffaut.

 

 

Dans Le chant des hommes , une poignée d’individus venus du monde entier, des migrants sans-papiers décident d’utiliser l’arme du dernier recours : une grève de la faim. Jour après jour, maîtrisant la violence qu’ils s’infligent à eux-mêmes, ils découvrent la grandeur de leur véritable cause.

La situation renvoie évidemment à des situations vécues récemment chez nous.

Bénédicte Liénard  a étudié la réalisation cinéma à l’Institut des Arts de Diffusion et été assistante à la réalisation sur des films de Jaco Van Dormael, Manu Bonmariage et des frères Dardenne. Elle a aussi réalisé des documentaires très largement diffusés en festivals comme en télévision.
Une part du ciel son premier long-métrage a été présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en… 2001. Alors pourquoi pas un retour?

D’autant qu’elle s’est ici associée à Mary Jiménez, d’origine péruvienne, qui a enseigné la réalisation cinéma en Belgique, à Cuba et en Suisse. Plusieurs de ses longs métrages et de ses documentaires ont été sélectionnés dans de nombreux festivals. Lors du New York Film Festival, Le British Film Institue et le Museum of Modern Art ont organisé une rétrospective de ses films.

Les deux femmes se connaissent d’autant mieux qu’elles ont déjà réalisé ensemble Sobre las brasas qui raconte la lutte de trois générations d’une même famille pour survivre grâce à la fabrication ancestrale du charbon de bois.

 

 

Deuxième long métrage de Géraldine Doignon, Un homme à la mer a été produit par Helicotronc.

Mathieu y est un biologiste marin. À 35 ans, il passe son temps sur son microscope, à découper de minuscules cadavres d’organismes marins. Il n’est pas heureux. Sa passion, c’était être en mer et il vit entre quatre murs.

Mais un événement inattendu va brusquement changer sa vie : Christine, sa belle-mère, fugue. C’est une surprise pour tous. Attiré par cet élan et curieux de la comprendre, Mathieu part à sa recherche. Il va la retrouver dans une maison au bord de la mer et découvrir enfin cette femme qu’il côtoyait sans la connaître vraiment. Grâce à elle, il va sentir grandir en lui le même désir de reprendre sa vie en main.

Après De leur vivant, émouvant huis clos familial, Géraldine ouvre l’espace et propose un casting basé sur des gens qu’elle admire particulièrement: Yoann Blanc, Jo Deseure, Christian Crahay, et Bérangère Bodin forment le quatuor central de ce drame optimiste qui, comme les autres films de cette liste, n’a toujours été montré. Ce qui ne nous empêche pas de penser qu’il est sans doute un candidat légitime à la sélection.

 

 

Préjudice d’Antoine Cuypers est un autre premier projet intrigant parce qu’extrêmement ambitieux. Il est porté par un réalisateur qui nous a épatés avec trois courts métrages dont le très touchant A new Old story et par un jeune producteur qui risque de trouver rapidement sa place au sein de la confrérie belge.
Benoit Roland qui a fondé Wrong Man, est également derrière la coproduction belgo-irlandaise Pilgrimage et le prochain long métrage de Nabil Ben Yadir, Dode Hoek.

Préjudice s’inscrit dans la tradition désormais riche du film articulé autour d’un repas de famille :  Cédric, 32 ans, apprend que sa sœur attend un enfant. Alors que cette nouvelle suscite dans toute la famille un engouement sincère, elle résonne étrangement chez le jeune homme qui en conçoit même un curieux ressentiment.
Cédric vit toujours chez ses parents et a un rêve simple, mais fixe: effectuer un voyage en Autriche. C’est le sujet d’interminables discussions entre ses parents et lui. Petit à petit, la frustration d’abord contenue va se transformer en colère, puis en fureur. Au cours de cette célébration familiale, il tentera d’établir, au regard de tous, le préjudice dont il se proclame victime.

 

Entre déni et paranoïa, révolte et faux-semblants, jusqu’où une famille est-elle capable d’aller pour préserver l’équilibre ? À partir de quand doit-elle réprimer la différence ?

Sacré sujet et casting très porteur puisqu’autour de l’Angevin Thomas Blanchard qui incarnera Cédric, la production a réuni Nathalie Baye, Arno, Éric Caravaca, Ariane Labed, Julien Baumgartner, Cathy Min Jung et Arthur Bols.

 

 

Un dernier film titille notre curiosité. D’abord annoncée en avril, la sortie Black a été repoussée au 11 novembre. Sans doute pour participer au festival de Gand. Mais… Et si?

Vous le savez puisque vous avez tous vu la formidable capsule que nous avons consacrée au film (ICI), Black est la nouvelle réalisation des deux cinéastes qui nous ont donné Image, Adil  El Arbi (l’homme le plus intelligent du monde selon le jeu de VT4) et Bilal Fallah.

Il se déroule à nouveau à Bruxelles. Le film, basé sur les livres Black (2006) et Back (2008) de Dirk Bracke, auteur flamand spécialisé dans la littérature pour la jeunesse.

Le film décrira avec un réalisme brut un drame classique autour d’un amour impossible entre une jeune black et un Beur, tous deux membres de gangs antagonistes.

 

Mavela a quinze ans, elle est black et n’a pas trouvé sa place dans la société jusqu’au moment où elle fait la connaissance des Black Bronx, une bande de jeunes Bruxelloises. Là, elle se sent chez elle, elle est acceptée et elle a des amis. Elle arrête l’école et se fait embarquer dans la vie en rue.  Elle apprend très vite l’adage essentiel: ‘une fois qu’on devient membre d’une bande, on le reste, et même si tu voulais, tu ne pourrais jamais quitter les Black Bronx.’

Ca tombe bien : elle n’a pas l’intention de les quitter…

Jusqu’au jour où elle croise Marwan.

Marwan est marocain et fait partie des 1080, une autre bande de jeunes et l’ennemi des Black Bronx. Dès leur première rencontre, ils savent: ils sont faits l’un pour l’autre.

Mais ce n’est pas si simple. Une fille qui fait partie des Black Bronx n’est pas censée fréquenter des gens de l’extérieur. Les deux tourtereaux se voient donc en cachette dans une maison abandonnée. Là, ils peuvent rêver de l’avenir sans être dérangés.    Mais leur plan échoue.

 

 

Annoncé comme un Romeo et Juliette interracial bruxellois, très street dans l’esprit, direct dans le ton, Black est une des vraies curiosités de l’année. Le retrouver à Cannes ne serait finalement qu’une demi-surprise.

 

Vous le voyez: la liste des outsiders belges qui pourraient rêver de Cannes est relativement longue et les élus seront forcément très peu nombreux.

Mais si élu il y a, on serait étonné qu’il ne se trouve pas dans cette longue liste.

Les paris sont ouverts

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