« Mon nom est clitoris »: dynamiter les clichés

Avec Mon nom est clitoris, Daphné Leblond et Lisa Billuart Monet interrogent la sexualité des jeunes femmes dans tout ce qu’elle a de tabou, soulignant l’aspect politique, culturel et sociologique de cette ignorance, et faisant sauter un à un les non-dits qui entravent l’épanouissement sexuel et sensuel des femmes, héritages d’un système patriarcal où la sexualité féminine ne peut être qu’un don, ou un péché. 

Un titre comme une provocation. Mais pourquoi, finalement, serait-ce une provocation? Nomme-t-il un organe tellement mystérieux… que la moitié de l’humanité en possède un? Le fait de nommer n’est-il pas déjà un acte politique en soi?

Parce que finalement, qui sait ce qu’est vraiment le clitoris? Pas forcément les jeunes filles interrogées par les réalisatrices, qui peinent pour la plupart à le représenter. Pas étonnant, quand on jette un oeil aux manuels de sciences naturelles ou même d’éducation sexuelle, qui évoquent généralement ce « petit bouton » hyper sensible, soit la seule partie émergée de l’iceberg, puisque des modélisations relativement récentes (même si les connaissances sur l’organe remontent au XVIe siècle!) représentent les clitoris comme un organe doté d’une partie externe ET d’une partie externe, dont la taille est similaire à celle du pénis.

Mon Nom Est Clitoris

Mais au-delà de cet organe unique – seul organe dédié au plaisir -, c’est surtout la sexualité des jeunes filles que les réalisatrices interrogent. La succession des témoignages, mis en scène dans le cadre intime et rassurant de la chambre, met en lumière autant de jeunes filles que d’histoires personnelles, et pourtant, des points communs émergent rapidement parmi tous ces récits: le tabou, le poids de la norme, le pouvoir des clichés. Comment nait l’éveil au corps? Est-ce que les autres se masturbent aussi? Le premier rapport, c’est à quel âge? Et puis ça consiste en quoi, d’ailleurs, un rapport? Et quid du consentement?

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Les filles égrènent les passages obligés, souvent dictés par le plaisir de l’homme. Le temps d’une scène hors du dispositif d’interview, des mots sont marqués au feutre sur la peau des filles, comme inscrits au fer rouge: salope, fille facile, frigide, pute, coincée. Deux facettes d’une même pièce, toujours, la maman ou la putain. Une éternelle dichotomie encore amplifiée pour les femmes racisées, comme le confie l’une des jeunes filles d’origine arabe.

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Au coeur du documentaire, une envie: offrir une écoute, et recréer un dialogue souvent absent, le mettre en scène pour mieux le susciter. Un discours sur le sexe et la sexualité féminine souvent absent ou inaudible, qui permet de réaliser que depuis toujours, le corps des femmes est politique. Une façon aussi de repenser les inégalités systémiques au coeur du patriarcat, et d’oeuvrer pour une sexualité libre et épanouie. Le film ne renie pas sa valeur didactique, et se pose comme une discussion à coeur ouvert et à bâtons rompus sur tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe des filles (sans jamais oser le demander).

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