Nabil Ben Yadir: aux origines d’Animals…

Hier soir avait lieu en avant-première mondiale la projection d’Animals, le nouveau film de Nabil Ben Yadir, inspiré de l’affaire Ihsane Jarfi. Un film puissant, radical et sans concession. Un véritable uppercut, émotionnel, moral et esthétique.

En avril 2012, un jeune Liégeois, Ihsane Jarfi disparait après avoir été vu une dernière fois à la sortie de l’Open Bar, un bar gay du centre ville de Liège. Son corps nu est retrouvé deux semaines plus tard. Il a été frappé à mort. Le crime est qualifié à l’époque comme le premier meurtre homophobe en Belgique.

Animals sortira en février prochain, et nous en reparlerons en temps voulu. Nous avons néanmoins croisé le réalisateur bruxellois hier à Gand. « Je n’ai jamais été aussi curieux de la réaction que les gens vont avoir par rapport à ce film, nous confiait-il. Que le film dérange, j’y suis prêt. Je n’ai jamais fait un film aussi radical. De toutes façons, il doit déranger, et poser les bonnes questions. »

En attendant la sortie du film, nous avons voulu demander à Nabil Ben Yadir quelles étaient les origines du projet…

Animals-Nabil-Ben-Yadir
Soufiane Chilah dans « Animals »

Comment en êtes-vous arrivé à vouloir raconter cette histoire?

A l’époque, je suis tombé sur un article qui racontait la découverte du corps d’Ihsane Jarfi. Les articles parlaient de crime homophobe. Et je me suis demandé pourquoi on parlait de crime homophobe, et pas de crime raciste. Les origines d’Ihsane Jarfi n’avaient-elles donc pas d’impact dans le meurtre? Ne comptaient-elles plus? A quel moment l’orientation sexuelle de quelqu’un prend-elle le dessus sur son identité, ses origines? 

Je me suis beaucoup renseigné sur l’histoire, j’ai suivi le procès. Ça m’a évidemment interrogé sur l’espèce humaine, jusqu’où elle peut aller. Sur la naissance des monstres. Comment en si peu de temps, on devient un monstre, et comment on vit avec? Comment on vit le lendemain?

Quand avez-vous décidé d’en faire un film?

J’ai rencontré le père d’Ihsane après l’avoir contacté. Lui de son côté voulait qu’on parle de son fils. Il me connaissait, ou plutôt il connaissait mes films, il est prof de religion, et il avait montré Les Barons à ses élèves. Sa démarche était parallèle à la mienne. On pouvait aller dans le même sens, à travers un film.

Moi, je voulais aller au bout de cette violence, cinématographiquement. L’explorer, l’interroger. Il m’a dit: « La seule chose, c’est que je veux vraiment qu’on sente ce qu’il a pu vivre. On ne pourra jamais le dire dans un article à travers des mots. Je veux qu’on puisse le ressentir grâce au cinéma. Qu’on aille au bout de ce qu’il a vécu. » 

C’est ce que j’avais envie de faire, montrer jusqu’où les gens peuvent aller, sans savoir où ils vont d’ailleurs, la force de l’effet de groupe. Cette folie qui peut nous dépasser.

Pour raconter une histoire aussi radicale, il fallait une forme absolument radicale?

Exactement, il fallait une forme radicale, et suivre les personnages au plus proche…

 

On reparlera très bientôt d’Animals, qui devrait être l’un des chocs de 2022…

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