Premiers Plans Angers rend hommage à Chantal Akerman

Le Festival Premiers Plans d’Angers rendra hommage à Chantal Akerman à l’occasion de sa prochaine édition, en remontrant ses films fondateurs et ses chefs-d’oeuvre en copies restaurées. Le Festival s’associe au Forum des Images (Paris) et à La Cinetek pour célébrer online et dans la vraie vie la cinéaste belge. Les projections sur grand écran auront lieu du 27 au 31 janvier et sur la Cinetek du 25 janvier au 24 février. 

Chantal Akerman l’a dit et redit : sa vocation pour le cinéma naît suite à sa découverte, adolescente, de Pierrot le fou. Elle comprend brusquement qu’il est possible de faire un autre cinéma que celui de l’industrie et — âgée d’à peine 18 ans — elle se lance. C’est Saute ma ville, un court métrage semi professionnel dans lequel déjà : 1) elle se filme, 2) dans la cuisine de sa mère, 3) jusqu’à la mort. Dire que ce petit film est prophétique n’est pas une exagération. Puis, il y a un passage par New-York qui fonctionne comme une éducation esthétique. Elle rencontre Babette Mangolte, qui deviendra sa chef-opératrice, et découvre le travail du cinéaste expérimental Michael Snow dont elle retient l’extrême concentration des plans longs malgré l’absence d’évènement.

« Régulièrement, Chantal Akerman nous écrivait. Elle mettait son adresse au dos de l’enveloppe (Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles – 1975), elle signait (Je, tu, il, elle – 1974), elle donnait de ses nouvelles en anglais (News from Home – 1976), elle fixait même des rendez-vous (Les Rendez-vous d’Anna – 1978). Les lettres arrivaient, jetées au panier par certains, lues avec passion par d’autres. Je faisais plutôt partie des « autres ». » Ces mots de Serge Daney (à lire dans le volume 1 de son Ciné -Journal), disent bien à quel point Akerman, au cœur des années 70, enchaîne des films d’une importance capitale, aux limites de l’essai et de la fiction de soi, hantés par son rapport à sa mère, Natalia, rescapée des camps de la mort. Chaque film invente un dispositif de mise en scène différent pour donner lieu à des œuvres aussi conceptuelles que viscérales qui n’ont jamais cessé d’inspirer d’autres cinéastes (Gus Van Sant, Todd Haynes).

« Je, tu, il, elle »

Cet âge d’or de son œuvre, Akerman le portera comme un lourd fardeau, notamment Jeanne Dielman, son chef-d’œuvre fleuve, si abouti et réalisé si jeune, qu’elle craint ne jamais pouvoir faire mieux. Alors elle continue son exploration existentielle mais ose d’autres registres. Ce sera la comédie musicale dans l’ambitieux Golden Eighties, film de studio qui regroupe différentes générations d’acteurs du cinéma français, de sa première actrice « fétiche » Delphine Seyrig à Charles Denner en passant par Lio. D’Est la voit partir sur les routes d’une Europe à nouveau visible suite à la chute du mur de Berlin. Elle en revient avec des images presque spectrales d’un monde figé. Une femme attendant le bus marquera les esprits. N’est-elle pas le miroir lointain du quotidien ritualisé et asphyxiant de Jeanne Dielman ?

GoldenEighties
« Golden Eighties »

En 2000, La Captive d’après Proust, récit d’une obsession amoureuse, renoue avec l’invention de ses premiers films et No Home Movie, en 2014, sur sa mère malade, boucle l’œuvre de manière définitive. Claire Atherton, sa monteuse et complice pendant trente ans, révèle dans un texte posthume l’évidence qui a saisi la cinéaste alors qu’elle partait sur vingt heures de rush éparses : « (…) ce film c ’est un personnage, une femme née en Pologne, arrivée en Belgique en 1938 pour fuir les pogroms et les exactions. Cette femme, c ’est ma mère. Dans et uniquement dans son appartement à Bruxelles . » La tonalité tragique que prend l’oeuvre d’Akerman avec cet ultime film ne doit pas masquer que son expérimentation permanente et sa capacité à se renouveler prend aussi les formes de l’humour et d’une certaine fantaisie notamment quand elle se met en scène elle-même dans de nombreux courts métrages.

Chantal Akerman avait accepté d’être membre du jury en 1992 et c’est avec une grande joie et une profonde admiration que le Festival Premiers Plans présentera ses films fondamentaux dans des copies restaurées et en présence de nombreux invités. Découvrez le programme.

Check Also

#PODCAST: Les Rituels de Claude Schmitz

« Intrinsèquement, tout ça n’a surement aucun sens, mais c’est beau d’en inventer un. » Inventer un …