Retour sur… « Les Convoyeurs attendent »

Il y a tout juste 20 ans, Benoît Mariage offrait à son camarade Benoît Poelvoorde un rôle en or dans Les Convoyeurs attendent, film surprenant, en noir et blanc, qui défie toutes les attentes. Sous le couvert d’une comédie énergique axée sur l’hystérie d’un père de famille prêt à martyriser son fils pour entrer dans le Livre des Records, Mariage et consorts livrent un film mélancolique, tour à tour tendre et cruel, au coeur d’une petite banlieue industrielle empreinte de belgitude. 

A l’aube du troisième millénaire, Roger, photographe à la rubrique « faits divers » pour un journal local, habite la banlieue industrielle de Charleroi avec son épouse et ses deux enfants (Michel et Louise). Frustré par ses conditions de vie précaires, il entraîne son fils dans la réalisation d’un record peu commun qui leur permettrait de gagner la voiture de ses rêves : exécuter le plus grand nombre possible d’ouverture de porte en 24 heures. Contre vents et marées, Roger va tout faire pour mener à bien son délirant projet.

 

Nombre d’entre nous connaissons sinon le film, du moins des passages. On y retrouve la verve du Poelvoorde de C’est arrivé près de chez vous. De « Maman, Patrick il a nonobstant, c’est qu’il a déjà payé, non? » au cracheur de noyaux de cerises du Wisconsin (à prononcer comme ça s’écrit) en passant par « Richard, arrête de me parler des Américains », du drame de la main moite à l’entrainement de champion d’ouverture de portes, le film a essaimé quelques répliques et scènes cultes de l’histoire du cinéma belge.

 

Mais à y regarder de plus près, il est plus complexe qu’il n’y parait. Dans un premier temps, si le moteur du récit reste l’obsession de la réussite de Roger, de préférence une réussite par procuration, on s’aperçoit vite que l’on est face à un film choral, où le récit offre à de nombreux personnages de belles plages narratives. Ainsi la petite Louise, entre la salle de classe et le défilé de majorettes, parcourt les pentes du terril, tentant tant bien que mal de plaire à ce père aimant mais colérique. Le voisin Felix (incroyable Philippe Grand’Henry), colombophile, moqué par les enfants du quartier, émeut en partageant son amour des pigeons, mais surtout, sa grande bienveillance. Richard (Bouli Lanners), proclamé coach officiel de Michel, fait preuve d’une grande autorité quand il s’agit de définir la meilleure tactique pour ouvrir et fermer une porte, et multiplie les solutions souvent un peu navrantes pour sortir Michel du coma.

 

A travers le drame cocasse et souvent absurde d’un père qui vit sa réussite par procuration à travers ses enfants – et surtout malgré eux -, Benoît Mariage livre un film dur et poétique à la fois, dont le noir et blanc met aussi en valeur un territoire et ses habitants, l’ancrant dans une histoire un peu passée, mais toujours présente. Le casting est à l’avenant, Poelvoorde bien sûr, mais aussi Bouli Lanners dans son premier grand rôle, des têtes toujours connues aujourd’hui (Renaud Rutten, Philippe Résimont), d’autres plus discrètes mais tout aussi touchantes, Morgane Simon dans le rôle de Louise, Jean-François Devigne dans celui de Michel, ou encore Dominique Baeyens dans le rôle de la mère, et que l’on reverra dans le film suivant du réalisateur, L’Autre.

Benoît Mariage et Benoît Poelvoorde se retrouveront également quelques années plus tard, d’abord pour Cowboy en 2007, puis pour Les Rayures du Zèbre en 2014. Un compagnonnage cinématographique qui a contribué à écrire quelques belles pages de l’histoire du cinéma belge.

 

Le film, précédé du court métrage Le Signaleur, lui aussi signé Benoît Mariage, sera programmé pour une soirée exceptionnelle le 19 avril prochain à Flagey, dans le cadre de l’opération 50/50. 

 

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