Retour sur le triomphe cannois de « Girl »

Photos : © J.P.Malherbe/N.L.P.

On récapitule? Caméra d’Or, Prix d’interprétation Un certain regard, Queer Palm, Prix Fipresci. Pas moins de 4 Prix pour Girl (voir la critique), le premier film du jeune réalisateur belge Lukas Dhont, et son (encore plus) jeune interprète,  Victor Polster

Quelques semaines avant Cannes…

Petit flashback: fin de l’hiver, début du printemps. Le secteur audiovisuel bruisse de rumeurs cannoises: qui y va? Qui n’y va pas? Une rumeur insistante place Girl en bonne position pour prendre part au Festival, même si l’on semble hésiter sur la section: officielle? Certain regard? Mi-avril, le verdict tombe: Girl est retenu en sélection officielle dans la section Un Certain regard. Il se dit que l’on aurait longtemps hésité à le placer en Compétition officielle, avant de faire machine arrière.

Girl débarque à Cannes précédé d’une rumeur des plus positives. On dit le film extrêmement réussi, même si on ne sait pas bien qui a vu le film. De fait, il est précité dans de nombreuses listes « des films à ne pas rater à Cannes ». Un honneur autant qu’une pression: à ce stade, il ne faut plus décevoir.

 

Première projection

Samedi 12 mai, jour de première. La foule se masse au pied des marches de la Salle Debussy. La Croisette a l’ouïe toute ouverte, et sait quand il convient de voir un film dont on devrait parler jusqu’à la clôture. L’équipe arrive en nombre, pour cette première projection publique. La tension est palpable, on attend beaucoup de ce moment. Lukas Dhont monte seul sur scène, à sa demande. On ne verra pas les comédiens. Pas avant le film. 1h30 plus tard, le public bouleversé par Lara, ses espoirs et ses tourments, découvre Victor Polster, le jeune comédien qui a prêté sa grâce et son sourire solaire au personnage de Lara, qu’il a si indissociablement incarnée. Les applaudissements à la fois chaleureux et plein d’émotion se muent en une belle standing ovation, qui arrache des larmes au jeune réalisateur, entouré de ses comédiens et de son équipe. En sortant de cette salle, leurs vies ne sera plus tout à fait pareille.

Les pleurs de Lukas Dhont. Première de Girl à Un certain regard.#cinemabelge #cannes2018

تم النشر بواسطة ‏‎CINEVOX – le cinéma vu par les Belges‎‏ في 12 مايو، 2018

L’équipe va enchainer les félicitations, les rencontres, les interviews, les coups de fil, les séances photos, les sollicitations en tous genres. A l’occasion d’une conférence de presse avec la presse belge, les journalistes (surtout flamands) se pressent pour découvrir le jeune prodige sorti du KASK, le littéralement incroyable jeune comédien qui interprète Lara, et celui qui joue le père, personnage fort et inattendu. Lukas Dhont, du haut de ses 26 ans, répond avec maîtrise et charme aux différentes questions. Victor Polster plus en retenu, semble porter un regard légèrement amusé et d’une grande maturité sur cette avalanche de réactions. Quant à Arieh Worthalter, qui joue donc le rôle du père, et aîné du trio du haut de sa trentaine, il observe avec calme l’enthousiasme qui entoure le film et les deux jeunes hommes.

La presse et les festivaliers sont unanimes

Le lendemain, lors du photocall officiel de l’équipe, la fougue rayonnante de Victor Polster posant en grand écart devant les photographes médusés secoue la Croisette, qui se passionne pour le jeune comédien danseur.

Et c’est ce trio masculin, donc pas « dans l’air du temps » comme le dirait certains grincheux, qui a bouleversé la Croisette. C’est que les thématiques qu’il aborde, et la façon dont il le fait, sont éminemment dans l’air du temps: l’adolescence bien sûr, le rapport au corps, le genre, l’identité transgenre, la féminité, mais aussi une masculinité forte et bienveillante à travers le magnifique personnage du père.

Le film bouleverse les festivaliers et la presse, qui arrive à court de superlatifs pour décrire la performance de Victor, et la maîtrise de Lukas. On promet d’ores et déjà le Prix d’interprétation Un certain regard au premier, et la Caméra d’or s’impose très vite comme une possibilité pour le second. L’équipe multiplie les interviews, notamment sur de grosses télés françaises, on compare le génie précoce de Lukas Dhont à celui de Xavier Dolan, et le Festival se poursuit… On continue à parler du film, la presse (et l’équipe on suppose!) retient son souffle…

L’avalanche de Prix

Arrive vendredi soir, jour de remise des prix de la section Un certain regard. Lukas Dhont est là seul. Victor, 16 ans, va encore à l’école le vendredi! C’est donc le réalisateur qui reçoit des mains de Benicio Del Toro le Prix d’interprétation, ni masculine, ni féminine, juste d’interprétation. Au-delà du Prix, qui vient couronner l’audace et le courage d’un jeune garçon de 15 ans qui a su incarner avec sensibilité une jeune fille qui n’en peut plus d’attendre d’être une femme, cette absence de détermination du sexe de l’interprète est une victoire en soi, comme l’indiquait avec passion le réalisateur.

Après ce premier prix tombent les annonces. Le film remporte la Queer Palm. Candidat idéal, il était pourtant face à de nombreux concurrents. Il remporte ensuite le Prix Fipresci de la presse internationale, venant souligner la belle unanimité qui a accueilli le film.

Hier soir, samedi, les observateurs scrutent l’ultime montée des marches, afin d’essayer de confirmer les rumeurs de Palmarès. Qui est revenu sur la Croisette? Qui a revêtu ses habits de lumière? Autant dire que quand on voit arriver en bas des Marches le trio gagnant de Girl, l’affaire est pliée: en route pour la Caméra d’or! Deuxième prix: c’est déjà le moment. Ce que l’on avait d’abord espéré, puis pressenti, puis assumé arrive: Girl remporte la Caméra d’or, premier film belge à obtenir la récompense depuis Toto le héros de Jaco Van Dormael en 1991, et premier film flamand!

Lukas Dhont monte sur scène, accompagné de son interprète Victor Polster. Le jeune homme s’exprime en anglais, posément, il semble avoir pris conscience de la portée de l’évènement, avant d’être embrassé chaleureusement par la Présidente du jury de la Caméra d’or, Ursula Meier, qui a souligné “son audace, sa délicatesse, qui font résonner une voix singulière indissociable de son interprète principal.” 

Et la suite?

La sortie du film est prévue pour octobre, en France comme en Belgique. On apprend également que Netflix a acquis les droits du film pour l’Amérique du Nord et l’Amérique latine. Une belle carrière à venir, n’en doutons pas, pour le film comme pour son auteur, qui a annoncé se lancer dans l’écriture de son prochain film dès lundi!

2mn avec… Lukas Dhont, Victor Polster et Arieh Worthalter

 

Photos Marches et Photo-call: © J.P.Malherbe/N.L.P.

 

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