« Toute une nuit », amours et insomnies

Que se passe-t-il quand la ville ne dort pas, quand les corps se frôlent, s’embrassent ou s’évitent? Dans Toute une nuit, Chantal Akerman magnifie Bruxelles avec une poésie du fragment qui explore les tours et détours des histoires d’amour.

Il fait chaud, en cette nuit d’été à Bruxelles. La ville vibre des énergies des âmes qui la parcourent, les âmes esseulées, celles qui cherchent l’amour, celles qui le vivent avec ardeur, celles qui en repoussent la fin. Des hommes et des femmes s’échappent, peinent à se saisir, se courent après, aussi littéralement que métaphoriquement. C’est un ballet nocturne qui se déroule sous nos yeux, abrité par des bars, des chambres ou des alcôves, éclairé par des néons ou des lampes de chevet, rythmé par le ronronnement des voiture, de la variété française ou un chant lyrique déchirant qui s’élève soudain dans la nuit.

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Si les différents micro-récits se déclinent d’abord dans les rues et dans les bars, les halls d’hôtel et les portes cochères, ils se déplacent peu à peu à l’intérieur, dans les cages d’escalier, les cuisines, les chambres à coucher, pénétrant l’intimité de la ville et ses habitant·es. Tout au long de cette nuit d’insomnie naviguent les secrets, les promesses murmurées, les ruptures consommées.

Un multitude de saynètes se succède. On aurait pu peut-être sous-titrer le film Fragments d’un discours amoureux. Il y a autant d’histoires que d’amoureux·ses, les enflammé·es comme les éconduit·es, les trompé·es comme les transi·es. Il y a une poésie du fragment, il y a une poésie du plan. Ce n’est pas un cinéma du mot, mais un cinéma de la citation picturale. Chaque scène est un nouveau tableau, une nouvelle fenêtre ouverte sur un instantané de la vie la nuit, à Bruxelles, en cette soirée d’été. Cette juxtaposition de plans fixes, souvent cadrés à l’intérieur même du plan, par une vitrine, l’embrasure d’une porte, le chassis d’une fenêtre, est d’une beauté plastique bouleversante.

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Le film, sorti en 1982, restauré 40 ans plus tard par la Cinematek, sera montré ce mardi 4 octobre en avant-première au Palace, et diffusé dans la foulée. Cette ressortie s’inscrit dans l’évènement « Chantal Akerman, une cinéaste à Bruxelles », des projections de films de jeunesse inédits retrouvés récemment dans les archives de CINEMATEK, ainsi que des lectures, des créations radiophoniques et la présentation d’une installation peu montrée (Self-portrait / Autobiography: a work in progress (1998) à voir à Bozar). Toutes les infos sont ici.

 

 

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